Quand la justice répare les esprits

La médiation restaurative est désormais proposée dans la Vienne. Les victimes peuvent demander à rencontrer leur agresseur et, inversement, dans un cadre précis avec un tiers. Si la préparation est longue, les effets se révèlent souvent très bénéfiques.

Romain Mudrak

Le7.info

Organiser une rencontre entre une victime et l’auteur de son agression en dehors de la salle d’audience… L’idée peut paraître insensée. Et pourtant, cette démarche a déjà fait ses preuves dans un certain nombre de cas. On l’appelle justice restaurative ou réparatrice. Si à Poitiers ce dispositif vient d’apparaître, il existe en revanche depuis plusieurs années en région parisienne. Et les motivations des participants sont multiples selon l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale (Apcars) d’Ile-de-France. « Les victimes veulent comprendre, elles se disent « pourquoi moi ? ». 
Savoir que l’auteur les a choisies au hasard ou qu’il a des troubles mentaux permet de diminuer leur sentiment de culpabilité, explique Ugo Picard, coordinateur du dispositif qui a guidé plusieurs médiations du genre. D’autres veulent que leur agresseur constate les répercussions de ses actes, voire qu’il s’excuse devant elles, de manière sincère et pas simplement pour plaire au juge. »

De son côté, l’agresseur, homme ou femme, ne s’y résout parfois que pour répondre aux questions de la victime, afin de manifester sa bonne volonté. Aucune remise de peine n’est conditionnée à sa participation. Il n’y a pas de négociation possible, d’autant que la médiation restaurative peut intervenir plusieurs années après les faits. « L’auteur peut aussi vouloir montrer un autre visage, prouver qu’il n’est pas uniquement un agresseur, autrement dit redorer son humanité, reprend Ugo Picard. C’est important de répondre favorablement à cette démarche car on sait que l’étiquetage favorise la récidive. »

Lutte contre la récidive

Empêcher la récidive, c’est l’un des objectifs principaux de la justice restaurative, intégrée à la loi française en 2014. « Quoi qu’on en pense, dans la plupart des cas l’auteur sortira un jour, il doit régler des choses avec lui-même avant ce moment-là, souligne Coralie Charron, directrice de l’antenne poitevine du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip). Nous devons créer un espace sécurisé de dialogue entre l’auteur et la victime mais aussi renouer le lien social brisé avec la société. » 
Dans la Vienne, cinq personnels du Spip et un salarié de l’Adsea, spécialisé dans l’aide aux victimes, ont été formés à la médiation restaurative. Qu’on se le dise, ce dispositif est désormais proposé dans le département à tous ceux et celles qui ont commis ou subi n’importe quel délit ou crime.

Concrètement, les deux parties doivent être d’accord pour participer, ce qui suppose que l’auteur reconnaisse les faits. « C’est indispensable pour s’engager dans une démarche sincère et être capable d’en parler », estime Coralie Charron. La rencontre est le but ultime mais toute la période de préparation revêt également une très grande importance. A Poitiers, des entretiens individuels avec l’un puis l’autre des protagonistes sont fixés toutes les six semaines sur une durée qui peut atteindre un an. Rien n’est laissé au hasard, même la poignée de main à l’arrivée. Aucun thème ne doit être écarté le jour J. « Chacun doit prendre une part active et sortir apaisé », 
conclut Ugo Picard. Cette démarche se veut complémentaire d’une thérapie car certaines réponses ne peuvent venir que de l’agresseur.

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