Alban Galpin, cuisine et descendance

Alban Galpin. 43 ans. Malouin d'origine, Camerounais de coeur, Poitevin d'adoption. Chef cuisinier du Lucullus, à Montmorillon. Animé par l'esprit d'équipe, en cuisine comme en famille.

Claire Brugier

Le7.info

Lorsqu’il s’est fait une énième fracture en jouant au rugby, à plus de 30 ans, Alban Galpin en a conclu qu’il y avait « un temps pour tout ». Il sourit, amusé. En 2010, il a quitté le Cameroun et ses coéquipiers. Or, sans équipe point de salut pour le chef cuisinier du Lucullus, à Montmorillon. Désormais, il fait « un peu de course à pied, juste pour l’entretien » et se consacre à d’autres équipes, sa famille, « la plus belle, celle-là », et sa brigade. Alban Galpin le sait, il l’a observé puis éprouvé, « tout seul en cuisine, on ne fait rien ». 


Arrière-petit-fils, petit-fils et fils d’hôteliers-restaurateurs, le Malouin d’origine aurait pu juger l’héritage un peu lourd à porter. « Je ne connaissais que ça. Mais je ne voulais pas cuisiner au départ », se défend-il. A la fin des années 80, ses parents ont repris L’Orée des bois, à Saint-Benoît, loin de la mer et de la ville intramuros de Saint-Malo, « (s)a cour de récré jusqu’à 10 ans ». Le jeune garçon a donc fait sa rentrée de 6e à Poitiers, à Saint-Joseph, puis ses années lycée aux Feuillants, jusqu’à « un bac S option maths ». Il s’est donné du temps. « J’ai toujours aimé la cuisine, mais j’ai repoussé jusqu’au dernier moment. » Puis, sans regrets, il a embarqué dans la passion familiale, où ont abordé à sa suite ses deux cadettes Marie et Emilie. « Nous avions ça dans le sang. Pour nous, c’était la normalité. C’est un métier passion : si vous ne l’aimez pas, vous ne le faites pas, il implique de vivre à l’envers des gens. » 


« Un métier qui 
se fait à deux »

Pour effectuer son apprentissage, le jeune bachelier a pris le large… vers les Thermes marins de Saint-Malo, aux côtés du chef Henri Reverdy. Deux ans plus tard, son brevet professionnel en poche, il retrouvait les fourneaux de L’Orée des bois, en tant que second, aux côtés de ses parents, son père en cuisine, sa mère au service. « C’est un métier qui se fait à deux, lâche-t-il avec conviction. Pendant deux ans et demi, j’ai beaucoup appris, la rigueur avec ma mère, le côté passionnant des choses avec mon père. Mon grand-père m’avait prévenu : ce n’est pas parce que tu as ton diplôme que tu sais cuisiner. J’ai grandi. » 


Désireux de « voir autre chose », le jeune cuisinier a quitté sa province pour monter à Paris où son CV lui a ouvert les cuisines de la Maison du Danemark comme demi-chef de partie, puis quelques mois plus tard du Cercle national des armées, place Saint-Augustin, comme second de cuisine. 
Alban Galpin s’est frotté à la cuisine française, qu’il revendique pour mieux la moderniser, dans le respect des producteurs, des produits, des clients. Rien de tel qu’une blanquette de veau, mais le chef ne tord pas le nez sur des makis faits sous ses yeux par un maître sushi, il est prêt à s’incliner devant un burger dégusté « dans la Vallée de la mort, dans un établissement qui ne ressemblait à rien ».

Sa compagne d’alors avait grandi au Cameroun, il l’a accompagnée sur les terres de son enfance. « A l’aube de mes 25 ans, cela a été un véritable dépaysement. La vie, les coutumes, une ouverture d’esprit extraordinaire… Je suis tombé amoureux de ce pays. J’y retourne régulièrement et je dis alors que je rentre au pays. » Là-bas, l’homme a encore grandi, le cuisinier aussi. Il a ouvert « le 22 juillet 2002 », à Douala, son premier restaurant gastronomique, L’Ovalie, qui existe toujours. Il a laissé s’affirmer ses accents terre-mer, il a appris à « adapter la cuisine française en lui donnant un goût camerounais » mais aussi à « faire avec peu », avec ce matériel qui lui paraissait pourtant obsolète à Saint-Benoît. « J’ai beaucoup appris là-bas », résume encore une fois, avec humilité, celui qui se dit volontiers « sanguin, mais de moins en moins ». 


Inoubliable Cameroun

Au Cameroun il a aussi rencontré Fannie, la mère de ses quatre enfants, juriste de formation. Les deux aînés avaient 3 ans et 1 an lorsque le couple a décidé de revenir en France, de prendre la suite de Gérard Alloyeau à Montmorillon. « C’était une belle histoire à faire perdurer. » Et à écrire à deux, évidemment. Enfin… à six. La maison est attenante au restaurant, les quatre enfants -la plus grande va avoir 13 ans, le petit dernier vient d’avoir 3 ans- ne sont jamais très loin. Sauf peut-être quand le papa va pêcher dans le golfe du Morbihan, sur un bateau à moteur. En Thaïlande, aux Etats-Unis, au Cameroun… Ils sont de tous les voyages, pour « s’ouvrir aux gens ». Juliette aussi. La fillette de 7 ans a été diagnostiquée KCNB1, une maladie extrêmement rare qui la prive de la parole et de la marche. « Elle est différente, je n’aime pas le mot handicapée, précise avec douceur son père. Mais elle n’est pas là pour ne pas vivre ou pour réduire la vie des autres. » L’esprit d’équipe, toujours. 


Comme lui, ses enfants étudient dans une école privée. « Une éducation catholique, tranche-t-il. C’est peut-être une vision vieillotte mais je suis persuadé qu’il faut croire en quelque chose. Plein de gens ont oublié de croire. » Lui ne prêche pour aucune Eglise. Juste croire.

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