She said, la parole libérée

Premier film à citer le nom d’Harvey Weinstein depuis l’avènement du mouvement #MeToo, She said retrace l’enquête qui a révélé les agressions sexuelles commises par l’ancien producteur de cinéma. Sobre et rigoureuse, la séance vaut le détour.

Le 5 octobre 2017 sortait avec fracas l’affaire Harvey Weinstein. Un article du New Tork Times révélait alors comment ce producteur de cinéma très influent avait, sur plusieurs décennies, réduit au silence de nombreuses collaboratrices qu’il avait harcelées ou agressées sexuellement. C’est cette longue enquête, menée par les journalistes Jodi Kantor et Megan Twohey, que retrace avec brio dans She said. Ou comment un travail d’investigation sur le sujet du harcèlement au travail est devenu l’un des plus grands scandales du tout Hollywood, préalable au mouvement #MeToo.

Dans la veine de l’excellent Spotlight (2016), le long-métrage de Maria Schrader fait dans la sobriété, montrant l’enquête telle quelle, sans fioriture : coups de fil, prise de notes et échanges plus ou moins formels. Peu spectaculaire à l’image, ce récit journalistique frappe néanmoins par le schéma de prédation qu’il révèle, pas à pas. Il est d’autant plus percutant qu’il se voit rattrapé par le réel. Ici, un audio glaçant -et authentique, diffusé par The New Yorker- dans lequel Harvey Weinstein insiste sans scrupule pour qu’une jeune mannequin le suive dans sa chambre d’hôtel, tout en assumant l’avoir agressée sexuellement la veille. Là, la comédienne Ashely Judd, dans son propre rôle, qui rejoue le moment où elle consent à parler à visage découvert. Le film insiste sur la place -centrale- du témoignage, autant nécessaire à l’enquête des journalistes que pour faire bouger les lignes dans la société. Les héroïnes ne sont pas tant celles qui relaient l’information que celles qui osent prendre la parole, enfin. Rigoureux et juste, She said mérite indéniablement les éloges.

Drame de Maria Schrader, avec Carey Mulligan, Zoe Kazan, Patricia Clarkson (2h09)

DR