Militant du « vrai djihad »

Eby Amara prépare la sortie d’un livre autobiographique intitulé « Le vrai djihad expliqué à nos enfants ». Ce Poitevin de confession musulmane, professeur de technologie en collège, raconte son parcours, de son enfance pauvre en Mauritanie à l’ascension de l’échelle sociale républicaine.

Arnault Varanne

Le7.info

La dépression l’a étouffé cinq ans durant. Cinq années d’interrogations sur le sens de la vie, conclues par une catharsis narrative. Un peu avant Noël dernier, Eby Amara a décidé de se raconter dans un ouvrage d’une centaine de pages illustrées. Ce père de famille de trois enfants, marié à une catholique, avait besoin de coucher sur le papier ce qu’il a été et ce qu’il est devenu : un musulman intégré, « fier d’être Français, mais aussi de (s)es racines sénégalaise mauritanienne et marocaine ». Comme une prémonition, le professeur de technologie au collège Ronsard, à Poitiers, a envoyé un courriel à son futur éditeur… le 6 janvier. 

 
Les terribles événements du lendemain, à la rédaction de Charlie Hebdo, contrastent de manière saisissante avec ce qu’il appelle « le vrai djihad expliqué à nos enfants ». « Il y a un amalgame complet avec ce terme, qui signifie en arabe « faire l’effort dans le chemin de Dieu, donc du bien ». Nous sommes un milliard à respecter le djihad. » Né au Sénégal, élevé en Mauritanie, Eby Amara parle d’expérience. Son père était imam, ses parents des soufis. Et pourtant, le fils prodigue a dû batailler ferme pour étudier, ce qu’on lui refusait jusque-là. « Je me suis rendu à l’école avec l’un de mes cousins et on m’a dit de m’asseoir à côté de lui. Le maître a fait l’appel et m’a demandé si j’étais Mohamed Mahmoud. Je lui ai répondu oui… » La supercherie a duré un an, jusqu’à ce que famille et enseignant s’en aperçoivent.
 
« Amour du savoir »
 
Son « amour du savoir » l’a conduit jusqu’à Poitiers, où l’ambassade de France en Mauritanie lui avait dégoté une bourse d’études. Le Poitevin y a obtenu un DEA en mécanique des fluides et aérodynamique, avant de se diriger vers l’enseignement. L’éducation, toujours. « Ce n’est que par le savoir que l’on peut éduquer les jeunes générations. Les terroristes sont à la fois ignorants des lois de la République et du contenu réel du Coran », avance le quinquagénaire. Il le sait, son « combat » en faveur d’une société éclairée à sa base sera long et sans doute parsemé d’embûches. 
 
«Je veux montrer aux enfants qu’ils ont la chance de vivre dans un pays démocratique, qu’ils ont tous les outils pour surmonter les difficultés et s’instruire !» Sa propre fille aînée, âgée de 20 ans, se dirige vers l’enseignement.  Elle ne fréquente plus la mosquée ou l’église. Chez les Amara, le libre-arbitre tient visiblement lieu de principe intangible. « La laïcité est fondamentale pour vivre ensemble », conclut le patriarche. Son livre paraîtra à la mi-avril. 
 
 
 

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