C’est la guerre

Faute de journal papier, Le 7 publiera chaque mercredi en ligne le Regard des sept personnalités qui s'expriment depuis le début de la saison. Aujourd'hui, Patrick Fournier, président du festival Jazzellerault.

Arnault Varanne

Le7.info

C’est la guerre, certes contre un ennemi invisible, mais elle engendre des attitudes déjà constatées dans les conflits armés. Le pire et le meilleur se côtoient dans ces périodes. Le pire, c’est le repli sur soi et l’égoïsme qui conduisent à des attitudes irrationnelles et parfois indignes. Se battre dans un supermarché pour des rouleaux de papier toilette peut nous faire sourire et nous interpeller. Mais s’en prendre à des personnels de santé, obligés de retirer leur caducée pour se fondre dans l’anonymat et ne pas être victimes, en plus de la pénurie de masques, d’effractions et de vols dans leurs véhicules, voire d’agression lors de visites à domicile est révoltant. Et que dire de ce petit mot écrit sur du papier à carreaux arraché d’un cahier et signé « amicalement et sans méchanceté », qui invite cette soignante à ne plus se rendre à son domicile. Ces exemples sont légion et ne font guère honneur à leurs auteurs. Je n’ose imaginer où se situeraient ces sinistres individus si demain la peste brune qui a marqué d’une pierre noire notre histoire était de retour. Certes, mes propos sont excessifs mais il faut se nourrir du passé pour regarder nos actes présents. Nous sommes loin de la nuit de Cristal, mais prenons garde à ce que des enragés ne jouent pas du pinceau sur les portes de nos moines soldats, qui font preuve d’héroïsme et de dévouement.

Ces moines soldats, ce sont tous ces anonymes que jusqu’à présent on ne voyait pas, ces caissières de supermarché qui, comme le raconte Anna Sam dans Les tribulations d’une caissière sont rangées au rang de plantes vertes, ces éboueurs bien souvent venus comme le dit si bien Pierre Perret dans sa chanson Lily « dans un bateau plein d'émigrés vider les poubelles à Paris ». Ils sont légion tous ces « sans grade » qui se sont mis en marche pour prendre une part active dans ce combat pour la vie. Et que dire des personnels hospitaliers, auxquels j’associe tous ceux qui sont au plus proche de cet ennemi invisible, personnel d’entretien et de ménage, blanchisserie... Ils mènent un combat héroïque au péril de leur vie. Espérons que nous sortirons grandi de cette épreuve et que le regard de chacun conservera pour toujours cette reconnaissance envers tous.

Pour l’heure il nous appartient de nous comporter au moins comme le colibri de la légende   Quechua en respectant les gestes barrières. Car si l’ennemi est en passe d’être vaincu, souvenons-nous de ce que disait Bertolt Brecht à propos de la peste brune. « Les peuples en ont eu raison, mais nul ne doit crier victoire hors de saison, le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde. »

Patrick Fournier

CV express

67 ans. Président et directeur artistique du festival Jazzellerault. Ancien directeur du Nouveau Théâtre de Châtellerault. A commencé sa vie professionnelle dans un cabinet de métré spécialisé dans les monuments historiques, puis a travaillé à la Direction générale des Impôts.

J’aime : le spectacle vivant et la musique, les belles plumes de la chanson française, les petits plaisirs simples de la chanson française, les petits plaisirs simples si bien décrits dans le livre de Philippe Delerme La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules.

J’aime pas : les acariâtres, les gens à l’humeur changeante, les incivilités, cueillir les haricots verts et les fraises.

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