Le breakdance entre deux eaux

Le 7 décembre dernier, le breakdance a obtenu son ticket pour les Jeux olympiques 2024. Un remarquable coup de projecteur pour la discipline, qui navigue entre l’art et le sport depuis son émergence dans les années 70. Décryptage avec le Poitevin Lucien Pacault.

Steve Henot

Le7.info

Des cours de breakdance ont pu avoir lieu la semaine dernière, à la Maison des projets de Buxerolles. Malgré la crise sanitaire, les activités chorégraphiques en intérieur pour les mineurs étaient encore autorisées, au contraire des activités sportives. Constat presque étonnant alors que cette danse issue de la culture hip-hop, née dans les années 1970 à New York, vient d’être inscrite au programme des Jeux olympiques de Paris 2024…


Le breakdance serait donc un sport comme les autres ? « Je ne sais pas comment on définit un sport, admet Lucien Pacault, danseur professionnel de l’association poitevine OTAM, qui se définit comme un « activiste » du breakdance. Aujourd’hui, on se revendique comme danseurs. » La question reste d’autant plus difficile à trancher que la discipline n’a jamais été fédérée (*). Elle a grandi dans la rue pour mieux préserver son caractère mouvant. « Si on codifie tout ça, on perd l’âme du hip-hop et on se rapproche alors de la gym. » 


« Pas à l’abri d’un conflit d’intérêt »

Danse énergétique aux mouvements spectaculaires, acrobatiques même, le breakdance se caractérise en effet par sa pratique libérée de tout carcan technique. Des compétitions ou « battles » ont toujours existé, par équipe, à l’initiative de collectifs ou d’associations. Les breakdancers se répondent par des enchaînements de figures, chorégraphiées ou non, sans d’autre règle que de ne pas toucher l’adversaire. « La compétition et le défi sont l’essence même de la danse hip-hop, dans l’objectif de se dépasser. » Ce qui, avec la performance physique, semble le rapprocher du sport. 


Un jury doit départager ces « battles ». « Sur la musicalité, la technique, l’esprit de groupe, le partage avec le public, les combinaisons, l’originalité, énumère Lucien Pacault. Mais il y a une part d’aléatoire et d’incertitude. » Une appréciation sans grille, subjective, qui apparaît difficile à transposer dans le cadre d’une épreuve olympique. « Il y a un grand débat pour savoir comment juger les équipes et qui composera le jury... On n’est pas à l’abri d’un conflit d’intérêt. » C’est aux acteurs institutionnels d’en décider, après consultation de plusieurs référents sur le territoire.


Car la France est une nation importante du breakdance. Le Comité olympique sportif (CIO) revendique un million de pratiquants dans l’Hexagone. Le pays compte des figures connues mondialement comme Junior, Lilou ou encore Last Squad, les champions du monde 2019. Certaines ont même fait leurs gammes à Poitiers. « Si la discipline est autant mise en avant aujourd’hui, c’est parce qu’elle se pratique partout dans le monde, observe Lucien Pacault. C’est un langage universel, un vecteur de lien social. Dans mes voyages, quand j’entame un pas de danse, il y a toujours quelqu’un pour venir échanger et vous présenter à d’autres danseurs. »


(*) Il appartient aujourd’hui à la Fédération française de danse (FFD) d’harmoniser et d’organiser le mouvement sur le territoire, d’ici aux JO de Paris.

DR - Piko Paseos

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