Le Caveau, rendez-vous du Poitiers punk

Cette saison, Le 7 consacre une série aux lieux laissés à l’abandon ou en cours de restructuration dans la Vienne. Le cinquième volet est consacré à un lieu de fête et de spectacles à Poitiers, où de nombreux artistes ont débuté, le Caveau-sous-Blossac. Récit d’une époque disparue.

Romain Mudrak

Le7.info

Le lieu semble figé dans le passé. A gauche sur le bar, un flyer défraîchi et poussiéreux annonce encore une soirée blues programmée le vendredi 7 février 1997… Le Caveau-sous-Blossac garde une place singulière dans la mémoire de centaines de Poitevins. Aujourd’hui, cette cave, propriété de la Ville, est laissée aux chauve-souris (lire ci-contre). Mais l’évier en inox, l’étagère murale pour les verres et les ampoules suspendues traduisent une impression bizarre : suffirait-il d’appuyer sur un interrupteur pour redonner vie à cet endroit mythique ?

Système D

Au fond de la salle, la scène fabriquée par Ioana Langer et son père menuisier est toujours là. La présidente emblématique de l’association qui a géré le Caveau pendant trois ans, à partir de 1994, est aujourd’hui assistante sociale en Seine-Saint-Denis. « Au début, j’étais en fac d’anglais, se souvient-elle. Mais entre les grèves et le Caveau, j’ai vite abandonné, j’avais mieux à faire ! » Passionnée de culture underground, elle a été choisie avec un ami, Mathieu Gautron, par le comité de quartier de l’époque pour donner un coup de jeune à l’endroit. Et c’est ce qu’elle a fait avec une poignée de camarades.

Yann Chevalier -rien à voir avec le directeur actuel du Confort moderne- était de ceux-là : « L’ambiance était punk, tout simplement. On organisait des concerts en une semaine, il y avait toujours des copains pour coller des affiches à 2h du matin. C’était réservé aux adhérents de l’association, mais en vrai tout le monde devenait adhérent ! » Le mot d’ordre : débrouille et convivialité. « On servait surtout des bières pas chères et des chips », raconte Hélène Dontenville qui s’occupait du bar. Désormais conservatrice de la bibliothèque de Saint-Brieuc, elle organisait aussi des sessions de tango enflammées.

Premières scènes

Tous les styles étaient acceptés, même si le hardcore avait une place à part. Des groupes locaux (Juniper, les Muffies, Dritt Sekk, Cut, 4HQ…) et nationaux s’y sont produits. Même des sound system de reggae avec Lenny March. Francky Arbonne, qui joue aujourd’hui dans le groupe de notre chroniqueur musique Christophe Ravet, cherchait à l’époque un lieu pour répéter avec sa première formation (notre photo). Il se souvient de la... température des lieux. « Il faisait toujours très froid ! Malgré cela, on aimait bien s’y retrouver », s’empresse-t-il d’ajouter.

L’alcool réchauffait quand même souvent les corps. L’ambiance était bon enfant. L’aventure s’est arrêtée quelque temps après un dramatique accident. Mais la mémoire collective retient d’autres expériences. Le Caveau a « mis le pied à l’étrier » de Raphaël Guitton. Il gérait la sono « en mode DIY », il est encore aujourd’hui régisseur à Poitiers. Idem pour de nombreux artistes comme François Godard. Le conteur poitevin se souvient avec émotion avoir animé ses premières soirées de contes pour enfants au Caveau. Ça s’appelait le Lutin rêveur. « C’était un lieu facile d’accès pour débuter. On n’avait pas de fric, c’était humide et crade mais ce n’était pas grave. On pouvait monter un vrai spectacle sans être interrompu. » Quelques années plus tôt, le Caveau avait eu une première vie. D’autres concerts mais une atmosphère toujours aussi punk. « C’était l’époque où on se baladait tous en dock et perfecto », plaisante Valérie. Avec Le Garage à vélos sur le campus et Le Puits de la caille, dans le centre, c’était le « Poitiers rock n’roll ».

Un repère de chauve-souris
Un temps dédié au stockage de matériel, le Caveau-sous-Blos- sac n’est plus du tout utilisé désormais par son propriétaire, la Ville de Poitiers. Si la porte est constamment fermée, une grille située juste au-dessus permet en revanche à d’autres occupants de profiter des lieux. De petites chauve-souris rhinolophes s’installent ici tout l’hiver pour se protéger du froid. On les reconnaît facilement car leurs grandes ailes recouvrent entièrement leur corps quand elles sont repliées. « Nous réalisons régulièrement un inventaire, comme au domaine de Malaguet et dans les grottes de la Norée où vivent d’importantes colonies », souligne Magali Godu, agent de protection des milieux naturels pour Grand Poitiers.
Un festival de caves en juin
Des comédiens s’invitent dans votre cave... C’est l’idée originale proposée par le collectif d’artistes bordelais Mixeratum Ergo Sum. Le festival de caves se déroulera dans toute la région entre mai et juin (première quinzaine de juin pour Poitiers). « C’est l’occasion de créer un spectacle intimiste, avec très peu de moyens techniques, et qui repose surtout sur le jeu des artistes », explique Natasha, l’une des protagonistes. A Poitiers, elle jouera avec la compagnie locale Sur le feu. La billetterie (8, 12€) servira à soutenir les artistes par ces temps difficiles. Exceptionnellement cette année, Covid-19 oblige, les spectacles se dérouleront dans des « caves végétales à ciel ouvert », autrement dit des petits jardins clos ou des cours intérieures... Si vous souhaitez mettre à disposition gratuitement votre coin de verdure : festivaldecavesna@gmail.com, 06 68 66 32 61 ou 06 26 21 18 04.

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