Le fabuleux festin d'Andrew Prior

Andrew Prior. 48 ans. Australien, installé depuis un an à Montmorillon. Blogueur culinaire, gourmand et inspiré. Tombé amoureux de la cuisine française par hasard. Mais le hasard ne fait-il pas fabuleusement bien les choses ?

Le7.info

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« It’s fabulous. » Dans la bouche d’Andrew Prior, l’adjectif est bien davantage qu’un gimmick. Il résume sa façon de voir la vie. Fabuleusement donc, avec un petit grain de folie partagée qui les a menés son mari Peter, leurs deux Golden Retriever et lui, de Melbourne à… Montmorillon.

« En 2012, Peter est venu à Paris pour étudier à Sciences po, dans le cadre de son doctorat sur le marché financier européen. Je l’ai accompagné mais je ne pouvais pas travailler, alors je me suis promené dans Paris, j’ai fait le tour de tous les restaurants, de tous les marchés », raconte Andrew. Derrière des lunettes cerclées de rouge qui lui donnent un air espiègle, les yeux pétillent. Ce premier séjour parisien a changé sa vie. Fini le courtage en assurance. De retour en Océanie, il a candidaté pour la version australienne de l’émission culinaire Masterchef. Il a passé les sélections, a cuisiné pendant quatre semaines sous le feu des caméras. Puis « je me suis blessé au genou et j’ai dû être immobilisé pendant dix semaines », explique-t-il. Fin de l’histoire ? Non, juste le prélude à une nouvelle vie. « En 2016, nous avons vendu notre maison, nos meubles, tout ce que nous possédions et nous nous sommes installés à Paris. Nos amis ont pensé que nous étions devenus fous ! » Sourires complices. « Nous nous y sommes même mariés en 2018. Et Peter est le meilleur mari que je n’ai jamais eu ! », taquine Andrew.

« Ma façon d’aller à la rencontre des autres »

Originaire de Wollongong, au sud de Sydney, l’Australien de 48 ans a, malgré lui, les voyages au long cours inscrits dans ses gènes, un peu du sang de la vieille Europe aussi. « Du côté de ma mère, ma grand-mère était Italienne et mon grand-père Tchécoslovaque. Elle l’a épousé juste avant la guerre, par téléphone ; elle l’a rejoint à Bratislava et ils sont partis en Australie sans même savoir que la guerre allait éclater. » L’anecdote est incongrue. Côté paternel, ses grands-parents étaient Française pour l’une, Anglais pour l’autre. Ils s’appelaient Pryor et Prior. Facétie du destin. Eux aussi ont fait un long voyage aux confins des océans Indien et Pacifique. A contrario, « mes parents n’ont jamais quitté l’Australie, sauf peut-être pour faire une croisière… Mes deux frères et ma sœur non plus », raconte le volubile quadra. Quant à son appétence pour la cuisine, inutile de chercher dans ses racines familiales. « Ma mère n’aimait pas cuisiner. » Cela n’a pas empêché son fils d’être gourmand et curieux de nouvelles saveurs. « Je suis parti de chez mes parents tôt, vers 16-17ans. La cuisine a toujours été ma façon d’aller à la rencontre des autres. » Dès cette époque et jusqu’à aujourd’hui, à Montmorillon, où il a emménagé au printemps 2020, Andrew a toujours adoré les grandes tablées.


"Cuisiner est à la fois mon travail et mon hobby"

S’il existe une cuisine australienne ? « Ah… », soufflent de concert Peter et Andrew. « Une cuisine pacifique peut-être », avance le premier. « Je ne suis pas d’accord, disons qu’il y a des ingrédients typiques, comme la noix de macadamia, le poivre de Tasmanie, les vins… », rétorque le second. Seule certitude, leur île est baignée d’influences asiatiques, italiennes, turques, grecques, indiennes… De quoi affûter le palais d’un jeune gourmet. « Lorsque je suis revenu à Paris, la deuxième fois, j’ai pris des cours de pâtisserie au Cordon bleu. J’ai beaucoup cuisiné, cherché, goûté aussi, avoue Andrew. J’adore la cuisine française, sa tradition, ses techniques modernes initiées par Robuchon, Escoffier, Bocuse, et aussi sa saisonnalité. Cuisiner est à la fois mon travail et mon hobby. Je pourrais y passer tout mon temps. »

A son arrivée en France, il a d’abord créé une agence de voyages gastronomiques sous la marque Fabulously Travelling, à destination des Américains, des Australiens, des Anglais… Puis la survenue de la crise lui a inspiré la création de Fabulously Cooking, un blog culinaire. La semaine dernière, il a lancé un podcast, Fabulously Delicious, dans lequel il va à la rencontre de petits producteurs, de sommeliers… et d’étrangers presque aussi passionnés que lui par la tradition française. Peter, adepte de la cuisine asiatique et du sucré, n’a désormais d’autre choix que de déguster les bœufs bourguignons, coqs au vin et autres -trop nombreuses- spécialités du cru. « Depuis que j’ai fait Masterchef, il est devenu plus critique », lâche Andrew avec malice.

Plus que tout, le gastronome adore les marchés. Tous les mercredis matin, il arpente celui de Montmorillon avec Lenny, son Golden retriever de 11 ans, « plus contrôlable » que Louis, 6 mois. « Louis le XIX» précise son maître, toujours friand d’humour pour assaisonner ses phrases. Affable, il lie volontiers conversation mais « Lenny est plus connu que moi », constate-t-il, faussement dépité. Ou fabuleusement. Car « quoi que vous fassiez, faites-le fabuleusement, répète Andrew. La vie est trop courte. Et puis tout le monde a quelque chose de fabuleux. »

Photo DR.

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