Franck Lauret, vitres fait, bien fait

Franck Lauret. 54 ans. Patron d’Hygie Pro, une entreprise poitevine de nettoyage à la trajectoire ascensionnelle. Treize fois champion du monde de lavage de vitres et récent champion de France. Coqueluche des médias et ambassadeur de son métier. Signe particulier : hyperactif.

Arnault Varanne

Le7.info

Il ne touche plus terre depuis la semaine dernière et un énième titre de champion de France de laveurs de vitres, en marge du salon Europropre, à Paris. « Vous vous rendez compte, un journaliste de la Réunion m’a appelé à 6h ce matin pour faire un papier avec moi ! » 
Les SMS de ses amis et clients affluent après son passage au JT de TF1 jeudi 5 avril, consécutif à un sujet dans Le Monde, où le roi de la raclette (à vitres) se raconte, lui dont le palmarès toise ceux de Teddy Riner (dix titres) et Sébastien Loeb (neuf). Treize titres de champion du monde. Et un quatorzième à glaner en février 2024, à Las Vegas, temple des buildings et de la démesure. « Je m’y prépare déjà, je n’irai pas là-bas pour rien. » Avant, il a promis à Valentin de l’accompagner sur la route des Olympiades nationales des métiers, en septembre à Lyon. Son rejeton de 21 ans a chopé le même virus des concours et des records. Il a terminé deuxième aux France la semaine dernière. « Son tour viendra... », plaisante le paternel.


« Comme si 
c’était facile »

A l’heure où les métiers de la propreté n’ont pas forcément bonne presse et n’attirent plus, le fils de soudeur et d’aide-soignante, deuxième d’une fratrie de quatre garçons, s’efforce de casser les images d’Epinal. « Sans nous, la France serait déguelasse ! Un jour, dans une entreprise, un salarié a fait une réflexion en disant à ses collègues qu’il faisait les vitres chez lui. Comme si c’était facile. Je lui ai tendu la raclette et, là, il a convenu que c’était un vrai métier, pas un passe-temps. » 
Surtout quand on s’échine à faire place nette en dix secondes et des poussières. Franck Lauret détient deux records mondiaux de vitesse. Le Poitevin-qui-ne-tient-pas-en-place est sollicité pour participer à d’innombrables émissions de télé (E=M6, 66 Minutes, Télématin...). Après La France a un incroyable talent en novembre, il a dû refuser Ninja Warrior récemment. Trop loin. Trop de boulot ici, à Poitiers, où il a fondé il y a deux ans et demi Hygie Pro, avec une raclette miniature sur le Y, forcément. Ses trente ans chez Azur Net « avec Michel et Annie Bondu » ont forgé sa gloire. 


L’un de ses amis proches l’a convaincu de sauter le pas de la création d’entreprise, en plein Covid ou presque. « Et ça, je ne l’oublierai jamais. Il m’a emmené voir son banquier, s’est porté caution... Je n’aime pas être redevable mais j’ai vraiment apprécié ce qu’il a fait pour moi. » 
Ses dix-huit salariés sont « autant de perles » sur lesquelles il peut compter. 


Franck Lauret file la métaphore sportive, conscient que pour performer, il faut avoir une bonne hygiène de vie. Le quinqua s’entretient, fait du foot avec l’équipe de la police de Poitiers. Son poste : milieu de terrain. On surnomme l’ancien mécano le joueur « aux quatre 
poumons ». Facile avec de tels atouts de faire l’essuie-glace sur le rectangle vert ! Il aime aussi le vélo, la course à pied et la boxe, l’un de ses sports de prédilection lorsqu’il était ado. 
« J’ai failli partir en sports-études à Paris, mais j’ai refusé. J’avais une copine à l’époque... » Aucune once de regret, seulement quelques souvenirs du temps où il combattait dans la catégorie coqs. La boxe vous forge un homme, « l’éducation et les fréquentations font beaucoup aussi ». Celui qu’on surnommait le faux nerveux sur un ring regarde le compteur défiler avec un brin d’insouciance. La mort de son père -d’un cancer- l’année dernière l’a marqué. 
« Ce qui me touche le plus, c’est la maladie. Dans ce monde, l’argent ne fait pas tout, j’en ai bien conscience. »


« C’est en moi, je suis comme ça »

Alors Franck verse dans la générosité avec ceux qui l’entourent. « Je ne nage pas comme ça », mimant d’un geste ses bras se repliant sur son corps. Pour la fédération des entreprises de la propreté, il a accepté la semaine dernière d’encadrer les futurs champions de la discipline, jury aux Worldskills auparavant, jamais avare de conseils pour ses collaborateurs... Le train ne passe qu’une fois et le Poitevin s’enivre de chaque moment, même si la fatigue le rattrape de temps en temps. « Des amis me disent de lever le pied. Mais je ne peux pas, j’ai beaucoup de choses à faire. C’est en moi, je suis comme ça. » Les vacances attendront. Son téléphone sonne. Encore. Le champion de France savoure. Et le répète à l’envi : 
« Oui, je suis fier de mon parcours, de mes titres. Je suis encore 1er à 54 ans, ça veut dire que je ne vieillis pas trop mal ! »

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