Handicap et préjugés

La sexualité des personnes handicapées est un sujet délicat et souvent tabou. Lassé des discours « moralisateurs » et « aseptisés », l’auteur et documentariste Rémi Gendarme, aujourd’hui installé à Angoulême, a décidé de mettre les choses au clair...

Florie Doublet

Le7.info

« Les personnes handicapées ne sont pas des anges. Elles sont sexuées et ont besoin d’épanouissement. » Rodolphe Brichet voudrait mettre fin à un « tabou ». L’entrepreneur poitevin vient de concevoir un dispositif dédié au plaisir d’hommes et de femmes à mobilité réduite. Son invention a été récompensée par le « Prix de l’innovation sociale » du concours Créa’Vienne. Simple, performant et robuste, le mécanisme a séduit le jury. Son produit tient dans une valise à roulettes et pèse cinq kilos. Impossible de le décrire davantage, car un brevet est en cours de dépôt. `

Bientôt, peut-être, Rémi Gendarme aura l’occasion de tester cette innovation. Le jeune homme de 32 ans, lourdement handicapé, s’intéresse depuis longtemps à tout ce qui a trait à la sexualité. Titulaire d’un Master de réalisation de documentaires de création, filière de l’université de Poitiers, Rémi espère que le dispositif de Rodolphe Brichet sera avant tout fonctionnel. « Un ergothérapeute est formé pour adapter du matériel afin de le rendre utilisable par une personne handicapée de manière autonome : une maison, une douche, une fourchette. Alors pourquoi pas un sex-toy ? », s’interroge-t-il dans son livre « Je n’accepterai aucune assistante sexuelle si lui faire l’amour ne la fait pas ellemême trembler de plaisir. »(*)

« Des arguments répugnants »

Dans son fauteuil, qu’il manipule juste avec son auriculaire, le documentariste et écrivain s’agace contre une vision « aseptisée » de la sexualité des handicapés. « On parle de quelque chose d’humain et de beau qui serait un « problème » pour les « handis ». On nous met encore une fois dans une case « à part ». » Le débat autour de la légalisation du métier d’assistant sexuel le met en colère. Il fustige certains arguments jugés « répugnants ». « On parle de « devoir d’humanité » ou de « réconfort », comme si nous étions des causes perdues. Cette image de la personne handicapée, je la refuse ! », lance-t-il. Rémi rêve d’une société où « un handi se prendra un râteau, simplement parce que c’est un pauvre con ». Force est de constater que le combat est loin d’être gagné. Rodolphe Brichet se heurte déjà à un certain scepticisme lorsqu’il présente son invention. « C’est même courageux de la part du jury de Créa’Vienne de m’avoir remis un prix », assure l’entrepreneur.

Son dispositif ne permettra sans doute pas à Rémi d’accepter le préjugé selon lequel « un corps handicapé ne peut pas plaire ». Mais il a le mérite de lever le voile sur un tabou. Un premier pas vers l’éveil des consciences ?

(*) Edition FLBLB, 1 rue Paul Verlaine, à Poitiers (www.flblb.com) 5€. Film de Rémi Gendarme édités chez La Famille Digitale ; www.lafamilledigitale.org 

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