Lusine à gagne

Aymeric Lusine. 20 ans. Champion de France Espoirs et Elite sur 800m. Etudiant en 1re année de Master génie des matériaux, à Poitiers. Cette tête bien faite ne cache plus ses ambitions sur le double tour de piste.

Arnault Varanne

Le7.info

Chaque question provoque chez lui un sourire, voire un fou rire. Dans l’infirmerie du vénérable stade Rebeilleau, il n’y a pas foule en ce jour de juillet. Pile-poil à l’heure, Aymeric Lusine la joue décontracté. Tout sauf une posture puisque le demi-fondeur de l’EPA 86 est « comme ça ». Cool dans la vie, ultra-concentré et « tueur » sur le tartan. Le 26 juin dernier a d’ailleurs constitué un tournant dans sa carrière naissante d’athlète. A la surprise générale, le minot de Châtellerault s’est imposé lors des France Elite, à Angers. « Déjà, je n’aurais même pas dû y participer. J’étais dix-neuvième au bilan national et seuls les seize premiers étaient qualifiés... » Quelques désistements l’ont propulsé sur le devant de la scène. Premier miracle. Et puis, il y eut cette élimination dès les séries et un repêchage in extremis dû au forfait de Pierre-Ambroise Bosse, roi français du 800 et quatrième des Jeux Olympiques. Deuxième miracle. Le reste lui revient de plein droit.

« A partir du moment où j’étais en finale, tout devenait jouable ! » Il aura pourtant fallu la photo finish pour le départager d’avec Sofiane Selmouni, deuxième pour deux millièmes de seconde. Qui l’eût cru, alors que le protégé du très respecté Gérard Lacroix (cf. n°275) a passé « un hiver pourri », en raison d’un mystérieux virus. « C’est simple, j’avais parfois l’impression d’être ivre. C’était un cauchemar. » Le mauvais œil a disparu et ce fils de gendarme et d’aide-soignante vit un été splendide. Non content de s’imposer aux France Elite, « Lusine à gagne » a doublé la mise à Aubagne, mi-juillet, chez les espoirs.

« Un bon coup à jouer »

Las... En athlé, les victoires n’ouvrent pas toujours les portes des grandes compétitions inter- nationales. Pas retenu pour les championnats de l’Union méditer- ranéenne -pour sept dixièmes-, le titulaire d’une licence en génie des matériaux a transformé son aga- cement en source de motivation.
« J’avoue que de ne jamais avoir décroché une première sélection en équipe de France m’agace un peu. Mais, là, j’ai un bon coup à jouer. » S’il poursuit sur sa lancée, son record personnel (1’48’’36) devrait encore s’améliorer. Sous la coupe de Lacroix, Aymeric Lusine a déjà gagné quatre secondes en deux ans. « Avec lui, j’ai clairement franchi un cap, je progresse dans tous les domaines », reconnaît le demi-fondeur. Et à la rentrée, ses six entraînements hebdomadaires seront un plus dans sa quête de perfs chronométrées.

Fan de Rudisha

Grand admirateur de Taoufik Makhloufi et de David Rudisha (champion olympique), l’étudiant poitevin n’oublie pas cependant d’être « ambitieux dans les études ». Bachelier « normal » -sans mention, quoi!, il s’apprête à intégrer un Master 1 en Génie des matériaux. Et là aussi, il ne cache pas ses envies de succès derrière un sourire empreint de décontraction. En attendant, l’athlète se démène pour dénicher « quelques sponsors ». Sans résultat pour le moment car les projecteurs sont davantage braqués sur les sprinteurs. Alors, après des vacances bien méritées, le Poitevin a fait comme n’importe quel étudiant: de l’animation dans un camp de jeunes, à Saint-Etienne. « Histoire de partager ma petite expérience et peut-être de leur donner envie de s’inscrire dans un club... »

Gamin, Aymeric s’était essayé à la natation et au tennis, avant de « faire quelques footings avec les copains » et d’être repéré. L’ivresse de la vitesse ne l’a alors plus quitté, au point qu’il représente aujourd’hui l’un des espoirs français du 800m. Un « prospect » qui ne se départit jamais de quelques rituels, comme prier la veille de chaque course ou s’humidifier plusieurs parties du corps. « Sans cela, ça se passe mal ! », plaisante- t-il. Ah, et puis il y a aussi la « montée en température » avec quelques morceaux du rappeur Booba. Rien d’autre de particulier à signaler, si ce n’est qu’Aymeric abhorre le dopage. Il en fut pourtant beaucoup question à l’occasion des Jeux de Rio, avec la polémique autour des athlètes russes. « Moralement, je ne pourrais jamais faire un truc pareil, même pour être performant. » Ce serait « au-dessus de (s)es valeurs ». Le tout asséné avec le sourire. 

 

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