Le discret

Guy Deschamps. 60 ans. Maître de cérémonies de la Ville de Poitiers pendant trente-sept ans. A raccroché ses gants blancs le 1er novembre, pour profiter d’une retraite méritée. Éternel homme de l’ombre, le discret aura marqué à sa manière l’histoire de Poitiers.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

Sur l’étagère du salon, une plaque de rue indique : « Avenue Guy Deschamps, 1979-2016, Maître de cérémonie, sommelier et critique culinaire taquin, le couteau suisse de la bonne soirée. » « Ils l’ont dévoilée le 18 novembre et m’ont remis un livre d’or », lâche le propriétaire des lieux. « Ils », ce sont les dizaines d’employés et élus de la mairie de Poitiers qui ont côtoyé Guy Deschamps, de près ou de loin, pendant trente-sept ans. Lors de son départ en retraite le 18 novembre dernier, le natif de Saint-Léonard-de-Noblat (87) a reçu « un bel hommage » de la part de ses ex-patrons Alain Claeys et Jacques Santrot. Lui, l’éternel homme de l’ombre, se retrouvait tout à coup sous les projecteurs, le temps de mettre fin à une carrière exemplaire d’employé de mairie.

Guy Deschamps a grandi dans le Limousin. Il était voisin de Raymond Poulidor, dont il « suivait les péripéties à la télévision ». Une enfance paisible, une scolarité normale, jusqu’à ce que se pose la question de son orientation. « Ma mère était une cuisinière hors pair. J’ai longtemps hésité entre la cuisine et la typographie. Après la 3e, ne me sentant pas prêt à poursuivre au lycée général, je suis entré en école de cuisine à Limoges. » Voilà les quelques passages que Guy Deschamps laisse entrevoir de sa vie privée, qu’il préfère préserver. « C’est chiant de parler de moi. » Arrivé à Poitiers en 1978, pour « suivre sa première épouse », il est embauché à la mairie en septembre 1979.

« J'emmène une part de secret »

D’abord recruté comme agent technique, Guy Deschamps est resté fidèle au cabinet du maire. « Ce boulot me laissait entrevoir tout un tas de métiers. J’étais aussi bien agent d’entretien que cuisinier, serveur, maître de cérémonies... » Sa carrière prend un tournant en 1993, lorsqu’il remplace Elie Picaud, dans son rôle de responsable du protocole. Le Limougeaud devient alors le chef d’orchestre des cérémonies en tous genres. Et côtoie, de très près, les prestigieux invités du maire. « Des souvenirs, j’en ai plein la tête. J’ai rencontré des présidents, ministres, sportifs, personnalités du show business... Je garde notamment en mémoire la venue de Mme Mitterrand à l’inauguration de la Médiathèque, celle de Yannick Noah au mur de frappe des Couronneries ou encore les parties de pétanque avec Claude Brosset dans les allées de Blossac. »

En trente-sept ans de carrière, Guy Deschamps a vu défiler deux maires, quatre directeurs généraux des services, sept directeurs de cabinets. Et des dizaines de conseillers municipaux. « Je devais quasiment les connaître avant qu’ils ne m’aient rencontré. » Cette « effervescence », l’ex-maître de cérémonies l’adorait. « Les événements se suivaient mais ne ressemblaient pas. Je ne me suis jamais ennuyé et n’ai jamais eu envie d’aller voir ailleurs. » En raccrochant ses fameux gants blancs le 1er novembre, Guy Deschamps s’est juré de ne jamais oublier ses souvenirs... « J’emmène avec moi une part de secret de cette mairie. J’étais un homme de l’ombre et cela me convenait très bien. Après tout, l’ombre vient quand la lumière a été faite ! »

Des cèpes et des lettres

Officiellement, Guy Deschamps est en vacances jusqu’au 31 décembre. « J’avais des congés à rattraper ! » À 60 ans, le discret s’apprête à commencer une nouvelle vie. « Il faut que je m’habitue à ne plus avoir cette effervescence qui me plaisait tant autour de moi. » La voix empreinte d’émotion, il assure que « personne n’est irremplaçable ». « Bien sûr qu’il y a de la nostalgie. J’ai travaillé dans un environnement passionnant, où j’ai fait des rencontres riches et inoubliables. »

Place maintenant aux longues heures de temps libre, qu’il n’entend pas passer sur son canapé. « Je vais profiter de la retraite, la vivre pleinement, en conservant la santé. Je vais essayer de voyager. J’irai sûrement me balader un peu en Corse. » Ses passions se résument en quatre mots : cèpes, pêche, chasse et lecture. Sur la table basse du salon, trône d’ailleurs sa dernière trouvaille : « La Mort du Roi Tsongor », de Laurent Gaudé. « J’ai fait du théâtre pendant quelque temps, pour combattre ma timidité. Je n’exclus pas de remonter un jour sur les planches. » Et les cérémonies dans tout ça ? « J’irai en toute discrétion, avec la barbe et un col roulé, sourit-il. Je me suis pris au jeu, que voulez-vous ! »

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