Samir Amechtane, les pieds sur Terre

Samir Amechtane. 40 ans. Figure emblématique du Stade poitevin rugby. Educateur à la direction des sports du Département. Et papa comblé de trois enfants. Signe particulier : un optimisme à toute épreuve.

Arnault Varanne

Le7.info

Ce fut peut-être son dernier combat. Sur ce maudit pré tourangeau, Samir Amechtane a fini l’arcade explosée et la paupière tuméfiée. Six points de suture donnent le change à l’heure de retourner au bureau. Dans ses rêves de conquête, le pilier droit du Stade poitevin rugby s’était imaginé « monter en Fédérale 2 et donner un coup de main la saison prochaine pour assurer le maintien ». L’US Tours a contrarié son dessein, mais n’a pas réussi à remiser à plus tard ses envies de raccrocher. « J’ai toujours envie. La vie de groupe, les copains, la convivialité, ça compte. En même temps, je viens d’avoir un troisième enfant… Et puis, l’environnement te fait parfois sentir qu’il faudrait arrêter. Je vais réfléchir. Mais c’est moi qui décide ! »

Lorsqu’il regarde dans le rétro, le Franco-Marocain ne conserve que de bons souvenirs de sa carrière de joueur. Lui qui a d’abord fréquenté les salles… de volley a vécu, grâce au rugby, des « aventures incroyables ». Avec le Stade, Saint-Jean-d’Angély ou Angoulême, bien sûr, mais aussi sous le maillot du royaume de l’Atlas. La qualif’ (ratée) pour la coupe du monde 2007, le titre de champion d’Afrique 2005, l’épopée en Ouganda avec les bagages égarés. « Franchement, quand j’ai vu ce qu’avaient les Ougandais pour s’entraîner… Ça m’a amené à avoir beaucoup d’humilité. » De l’humilité et un sens aigu de la fidélité. Voilà ce que le « petit dernier » d’une fratrie de sept cultive de manière immodérée. A l’adolescence, ses « deux étés au bled » lui ont ouvert les yeux sur sa chance de vivre en France et de bénéficier d’un confort cinq étoiles. 

« A taille humaine »

A l’instar de l’écrivain Sylvain Tesson, l’éducateur sportif du Département considère que « la France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer ». Bien dans sa vie et dans sa ville, Samir Amechtane loue « la tranquillité de Poitiers ». Ses parents ont atterri ici dans les années 70 -« un 1er mai, je me souviens »-, après avoir travaillé en région parisienne, notamment chez la chanteuse Marie Laforêt. Ils ont ensuite été gouvernants du château de Coulombiers. « Des bosseurs acharnés », à en croire leur fiston, qui a hérité de leurs valeurs simples mais cardinales. « Le respect des règles, l’honnêteté et le travail », résume-t-il. A dire vrai, au sommet de son art, il aurait pu répondre aux sirènes de Limoges, Dax ou Grenoble. Tâter de la Pro D2 et monnayer ses talents de stakhanoviste des mêlées. Mais hormis une parenthèse de trois ans dans les Charentes -il faisait les allers-retours quotidiens-, le Stadiste ne n’est jamais éloigné de sa ville de cœur. Sa ville-tribu comme il dit. Celle-là même qui lui a permis de s’accomplir en tant qu’homme et comme père de famille. L’analogie avec le rugby affleure. « Dans la société, comme dans une équipe, tu as des petits, des grands, des gros, des maigres, des caractères différents… Tout le monde a sa place, dans un esprit d’entraide et de solidarité. »

« Transmettre, c’est quelque chose qui m’intéresse »

N’allez surtout pas lui dire qu’il rêve les yeux grands ouverts. L’éducateur sportif connaît les tourments du monde aussi bien que ses contemporains. Des inégalités galopantes au racisme ordinaire, de la détresse des uns aux envies malsaines des autres… « Je me pose toujours une question simple : pourquoi les gens veulent toujours plus et sont jaloux ? » Lui s’en tient à ce qu’il a. A une existence rythmée par les petits bonheurs familiaux, les grandes joies de l’ovale et les découvertes professionnelles. Son job l’a amené derrière les barreaux de la prison de Vivonne, pour promouvoir la boxe éducative. Il le guide désormais sur la voie de la transmission puisqu’il encadre plusieurs jeunes en service civique. « Transmettre, c’est quelque chose qui m’intéresse », glisse-t-il l’air de rien dans le fil de la conversion. Et s’il se dirigeait vers une carrière d’entraîneur ? Adieu les points de suture et les paupières tuméfiées le jour d’après. Le taulier du Stade en a l’étoffe. D’un combat à l’autre… 

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