Des terres de convoitise

Des investisseurs chinois s’intéressent-ils à des terres agricoles dans le Sud-Vienne ? La question est posée après l’acquisition de près de 3 000 hectares, dans l’Indre et l’Allier. Dans l’arsenal juridique français, rien ou presque n’empêche aujourd’hui ce type de transactions. Nul doute que le sujet sera au cœur du Salon de l’Agriculture (24 février - 4 mars).

Arnault Varanne

Le7.info

Le premier adjoint de cette petite commune du Sud-Vienne n’a « pas plus d’infos que ce qui circule comme rumeur ». Tout juste consent-il à dire que les quelque 600 hectares de l’exploitation visée par cette fameuse rumeur de rachat via un investisseur chinois n’ont pas été ensemencés récemment. De la coupe aux lèvres… Aux premières loges des transactions du foncier agricole, Alain Poublanc  n’a pas davantage d'éléments tangibles. « Par le passé, nous avons eu des transactions avec des Belges, des Néerlandais ou des Anglais, appuie le directeur départemental de la Safer Vienne (Société d’aménagement foncier et rural). Il y a un autre type d’investisseurs : des dirigeants qui vendent leur entreprise et investissent dans le foncier agricole. »

« Que le législateur intervienne »

S’agissant des capitaux chinois, ils répondent à des logiques moins patrimoniales qu’alimentaires. Nos confrères du Figaro citent l’expert Christophe Dequidt, qui résume la problématique d’une formule lapidaire : « L’équation est simple, la Chine compte 20% de la population mondiale et dispose de moins de 10% des terres arables… » On comprend donc pourquoi des holdings pilotés depuis l’Empire du Milieu s’intéressent au foncier agricole dans l’Hexagone. Dans l’Indre et l’Allier, plus de 3 000 hectares sont tombés dans leur escarcelle. Un mouvement offensif que l’arsenal juridique français contient mal. Loin des accords confidentiels entre sociétés foncières, la Safer ne peut préempter certaines terres, donc limiter la hausse des prix et installer de jeunes agriculteurs. Un cercle vicieux. « Il faut que le législateur intervienne, reconnaît Philippe Tuzelet, directeur de la Safer Poitou-Charentes et Aquitaine-Atlantique. Mais il y a deux ans, un projet de loi a été retoqué par le Conseil constitutionnel…

Un colloque les 15 et 16 mars

« Paradoxalement, ce que l’on déplore dans l’agriculture, on le plébiscite dans la viticulture, observe encore Philippe Tuzelet. Les professionnels vont chercher des capitaux étrangers, qui permettent de restaurer les domaines, doper les importations, désengorger le marché français… Il ne faut pas oublier que la France est déficitaire de 20% de son alimentation ! » Une mission parlementaire vient justement d’être désignée afin d’aller vers une « meilleure régulation de l’accès au foncier agricole », explique Jean-Michel Clément, qui n’a pas pu intégrer ce groupe car il était « déjà engagé sur un autre sujet ». En revanche, le député de la Vienne sera bien présent les 15 et 16 mars, à Poitiers, où se tiendra un colloque universitaire sur la question. « J’ai proposé à mes collègues de la mission d’information de venir. Les spécialistes présents alimenteront le débat. Je pense que cette démarche aboutira à un texte de loi. » Lequel devrait être présenté par le gouvernement. Une façon de respecter la promesse du candidat Macron Emmanuel. Pendant la campagne présidentielle, il s’était engagé à « faciliter l’accès au foncier agricole » en renforçant « la transparence des transactions agricoles et en soumettant toutes les sociétés foncières au contrôle de la Safer ». Le Président Emmanuel Macron tiendra-t-il parole ?

 

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