Le réseau de proxénètes poitevins jugé à Rennes

C'est un procès hors norme qui s'est ouvert à Rennes, ce lundi 18 juin. Vingt-trois personnes y sont jugées pour des faits de proxénétisme aggravé, traite humaine et association de malfaiteurs, entre 2013 et 2016 à Poitiers.

Steve Henot

Le7.info

Onze jours d'audience, vingt-trois prévenus... C'est un procès d'envergure, pour proxénétisme aggravé, traite humaine et association de malfaiteurs qui s'est ouvert, ce lundi 18 juin, au tribunal correctionnel de Rennes (Ille-et-Vilaine). Au cœur de cette affaire, une filière nigériane est accusée d'avoir fait venir des jeunes femmes d'Afrique de l'Ouest -parfois mineures- en France pour les forcer à se prostituer dans les rues de Poitiers, entre 2013 et 2016.

Tout est parti d'une plainte sous X déposée par une prostituée nigériane, le 28 juillet 2015, au commissariat de Nantes. Comme toutes les autres victimes, cette ressortissante avait quitté son pays dans l'espoir d'une situation plus confortable en Europe. Pour effectuer le voyage, toutes ces jeunes femmes s'endettaient fortement, entre 20 000 et 60 000 euros selon les cas. A leur arrivée sur le Vieux continent, elles étaient alors contraintes de se prostituer pour espérer rembourser leur transfert.

Plusieurs micro-cellulles

L’Office central de répression de la traite des êtres humains s'est saisi de l'enquête et a observé qu'en 2016, entre 20 et 40 femmes nigérianes se prostituaient à Poitiers, essentiellement dans le quartier de la gare. Là, les investigations ont mis en lumière plusieurs « micro-cellules de proxénètes interconnectées » : les « mamas » ou « placières », qui guettent l'activité de leurs prostituées ; leurs compagnons qui tirent profit des gains de leurs « filles » ; les intermédiaires, pour le transport de fonds ; et, enfin, des logeurs conciliants.

Très vite, l'enquête est remontée jusqu'à un couple de Nigérians installé dans le chef-lieu de la Vienne. Elle comme « mama » et lui comme membre d'une mafia nigériane, à la base de ce vaste réseau de prostitution. Ils ont été arrêtés, début 2017, à l'occasion d'un vaste coup de filet de la police judiciaire. Cette première journée de procès s'est notamment intéressée au parcours de chacun et à leur implication dans cette affaire. Tous deux se sont attachés à nier en bloc les accusations formulées à leur encontre. « Laissez Dieu me juger », a notamment laissé échapper la prévenue, avec aplomb, face aux questions du président Didier Peltier. Souvent dans l'esquive, son compagnon, lui, a expliqué avec assurance qu'il « ne connaît rien au monde de la prostitution » ni avoir le moindre lien avec la mafia nigériane. Quand bien même le président s'est attaché à relever leurs contradictions, tout au long de l'après-midi.

Le rôle des logeurs étudié vendredi

Les dix prochaines journées de procès ne seront pas de trop pour déterminer le rôle joué par chacun des dix-huit prévenus présents. Vendredi, il sera notamment question des trois logeurs peu scrupuleux, dont les appartements ont longtemps été des lieux de prostitution à Poitiers. L'un a fait appel de son renvoi, un autre a plaidé coupable... Seul l'un d'eux, ancien patron d'une boîte de nuit à Migné-Auxances, s'est donc présenté devant le tribunal ce lundi, rejetant toutes les accusations formulées contre lui. Seules six femmes, anciennes prostituées, se sont portées parties civiles dans ce dossier, de même que les associations « Le mouvement du Nid » et « L'équipe d'action contre le proxénétisme » (EACP).

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