David Dufresne : « La République, c’est le contre-pouvoir »

Le réalisateur David Dufresne présentera samedi, au Dietrich à Poitiers, son film Un pays qui se tient sage. Une « ouverture au débat sur le rôle et le pouvoir de la police », selon le journaliste poitevin.

Arnault Varanne

Le7.info

En 2017, dans les colonnes du 7, vous nous disiez ceci : « Si plus tard dans mon travail, je me suis intéressé à la police, c’est d’abord parce qu’elle s’est intéressée à moi ». C’est toujours votre motivation aujourd’hui ? 
« A l’époque, j’étais ado et c’est plutôt aux renseignements généraux, à Poitiers, que j’avais eu affaire (cf. n°377). Il n’en est pas question dans le film. Mais en réalité, ce que n’ont pas manqué de relever certains policiers et politiques, c’est que les services de renseignements n’ont pas vu venir le mouvement des Gilets jaunes... »

Précisément, Un pays qui se tient sage évoque le thème des violences policières. Est-ce donc un système organisé ? 
« Avec Allô place Beauveau (recensement public des blessés pendant le mouvement des Gilets jaunes, ndlr), mon intention était de provoquer le débat sur tous ces faits de mutilation. Avec Un pays qui se tient sage, j’entends le nourrir. Il ne faut pas donner un blanc-seing à des hommes sous prétexte qu’il est marqué « police républicaine » sur leur blason. Il ne se passe pas un jour sans qu’une vidéo de violence ou de racisme ne sorte. L’accumulation fait sens et le nombre « fait » système. Le pouvoir est dans le mensonge d’Etat. »

Le film démarre sur cette phrase de Max Weber : « L’Etat détient le monopole de l’usage légitime de la violence »... 
« Cette phrase signifie simplement que les choses ne vont pas de soi et qu’il faut revendiquer, négocier. La reprise en main actuelle, avec un discours très musclé du ministre Darmanin qui dit que le monopole de la violence appartient à la police, montre le malaise actuel. Car c’est bien l’Etat qui a le monopole de la violence légitime... La République, c’est le contre-pouvoir. »

« Que la pression sorte de la cocotte-minute »

Au fond, ce qui s’est passé pendant le mouvement des Glets jaunes n’est-il pas un énième soubresaut de l’histoire des rapports entre la police et la population ? 
« Il n’y a jamais eu, au fond, de rapports à l’eau de rose entre les policiers et les Français. Nous avons simplement vécu un moment très particulier en 2015 dans des circonstances exceptionnelles après les attentats de Charlie. Ce dont on se rend compte, c’est que les moyens de contester la police n’ont jamais été aussi grands :  la vidéo, les réseaux sociaux, les avocats, les études des chercheurs... Chacun sait qu’il y a aussi un problème avec la police des polices (IGPN), le pouvoir interne. Il faut donc que la pression sorte de la cocotte-minute. Personne ne nie les difficultés du métier de policier. »

Ce « parti-pris », ce « contre-récit » comme vous l’appelez peut-il vraiment apaiser les débats ? 
« J’aimerais que mon film permette de sortir de l’ornière et des clichés. Il y a moyen de discuter intelligemment et urgemment des questions liées à la police. Mais je crains qu’on nous refasse en 2022 le scénario de 2007 sur l’insécurité, sans aller au fond des choses... »

Quel accueil reçoit Un pays qui se tient sage dans les avant-premières ? 
« Assez fou ! Les séances sont pleines. C’est un succès public pour le genre documentaire. Ce qui est très fort, ce sont les débats organisés après les projections. »

Et dans la classe politique ? 
« Nous avons été invités dans les universités d’été des Verts, du NPA, de la France insoumise. Il est aussi question que le film soit projeté à l’Assemblée nationale. »

Avant-première d’Un pays qui se tient sage, samedi, à 20h30, au Dietrich, à Poitiers. En présence de David Dufresne, également auteur de Dernière sommation. Prévente conseillée sur le-dietrich.fr. Sortie nationale le 30 septembre. 

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