Mettez vos masque et tuba et enfilez vos palmes ! Cette année, le carnaval de Poitiers sera subaquatique. Le mercredi 28 fé- vrier, vous pourrez défiler dans les rues de la ville, engloutie sous les eaux. Pour l’occasion, Manoo, bénévole de Poitiers Jeunes, association qui coordonne l’événement, a rédigé une nouvelle nommée « Le retour de Bidiron ». Elle raconte l’histoire d’un explorateur de retour sur ses terres… entièrement noyées. Deux fois par semaine, le « 7 » publiera un épisode des aventures du professeur Bidiron. Découvrez le premier chapitre...

Florie Doublet

Le7.info

Le retour de Bidirond

Chapitre I.
Où l’on découvre qu’il n’est pas simple de rentrer chez soi.

Qu’il est bon de revenir chez soi après un long voyage comme dirait l’autre. Même si,
dans le cas présent le terme « chez soi » n’a plus aucun sens.
Je veux dire, quand on rentre, on est en droit de s’attendre à retrouver sa maison, ou au
moins le toit de sa maison. Et celle des voisins. Je ne sais pas moi…quelque chose.
Mais là, rien. Que de l’eau. A perte de vue. De l’eau, de l’eau, encore de l’eau.
C’est vrai que je suis parti il y a bien longtemps sur ma barque bricolée à la hâte avec des
objets flottants. A l’époque, les gens de la ville étaient aux derniers étages de leur bâtisse
pour nous acclamer, nous souhaiter bonne chance à moi et à la dizaine d’autres aventuriers
partis chercher des réponses à la montée des eaux.
Il semblerait que nul n’a réussi. L’eau a continué à monter ici comme partout ailleurs sur
notre monde.
Du coup je ne suis plus si sûr d’être au bon endroit.
- Hé ho ! Y’a quelqu’un ?
Non, apparemment.
- You-hou ! C’est moi, professeur Bidirond ! Je suis rentré !
Rien.
- Si c’est une blague, elle n’est pas super drôle !
Oui, je sais bien que personne ne me fait de blague, d’ailleurs il est impossible de se cacher
dans ce décor désespérément plat.
Bon, il va encore falloir que je me débrouille tout seul pour retrouver ma ville. Assis au fond
de ma barque je me penche un peu sur le côté en quête d’un quelconque point de repère.
L’eau est limpide, transparente, d’une telle clarté que je distingue assez nettement des
structures loin en contrebas. Se pourrait-il que ce soit la ville ? Enfouie si profondément sous
la surface que le pignon de la plus haute construction me semble si inaccessible ?
Je ne m’étais pas rendu compte à quel point la situation était urgente. Un doute terrible me
grignote l’esprit. Mais que sont devenus les gens ?
Je me penche un peu plus et me concentre sur ce que je vois. Pas de doute je reconnais les
bâtiments, même de cette étrange perspective. Mais ça n’est pas tout. Il y a aussi des objets
plus petits qui se déplacent un peu partout. Difficile de dire ce qu’ils sont à cette distance. A
bien y regarder…on dirait des…véhicules. Oui ! Les voilà les gens, ils n’ont pas disparu. Et
on dirait même qu’ils se sont bien adaptés à leurs nouvelles conditions de vie. Quel
soulagement.
- Hé, en bas ! Vous me voyez ?
Mais je suis tellement loin au-dessus d’eux qu’ils ignorent complètement ma présence. Je
cherche frénétiquement un moyen d’attirer leur attention. Mais à part mes notes de voyage
et une paire de rames, il n’y a rien dans ma frêle embarcation qui pourrait m’y aider.
C’est idiot, je suis si prêt du but ! Je ne cesse de jeter des coups d’oeil sur les toits de toutes
les couleurs qui ondulent mollement. Comme si c’était un mirage qui allait disparaitre d’un
instant à l’autre.
Je remarque alors un engin en position stationnaire juste à l’aplomb de ma coque. Je
l’observe un long moment en criant des idioties qu’il ne peut pas entendre.
Il ne me reste qu’une seule solution. Sauter.
Je sais c’est complètement, indéniablement, déraisonnable. Et irréversible. Mais je n’ai pas
d’autres options. C’est le moment ou jamais.
Prenant un élan superflu et exagéré, je me jette à l’eau.
Advienne que pourra. Il ne sera pas dit qu'Hippolyte Bidirond n’a pas tout mis en oeuvre pour
accomplir sa mission !

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