Catherine Coutelle : « On n’arrive plus à discuter de certains sujets »

Quatre ans après son départ de l’Assemblée nationale, l’ex-députée socialiste Catherine Coutelle garde un œil acéré sur les dossiers qui l’ont mobilisée pendant ses deux mandats. Tout en veillant à rester loin des polémiques stériles et des réseaux sociaux.

Arnault Varanne

Le7.info

Vous avez quitté le Palais Bourbon en juin 2017. Que faites-vous depuis ?
« Quand on a choisi sa sortie, ça ne pose aucun problème d’arrêter un mandat. J’ai retrouvé quelques engagements associatifs, au Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), au centre de santé des Trois-Cités... A Paris, je suis aussi présidente d’une association d’anciennes députées, créée dès 2017 pour garder le contact et discuter avec les nouvelles. On fait du lobbying quand on considère que les combats féministes sont menacés. On vient par exemple de signer une pétition pour protester contre le fait que le nouveau Conseil économique, social et environnemental (Cese) renforcé ne comporte plus aucune association féministe. »

On vous doit la loi sur la prostitution de 2016, qui pénalise les clients. Comment jugez-vous l’application du texte depuis cinq ans ?
« Ça peut faire souffrir, énerver... Au-delà de la prostitution, on avait porté en 2014, avec Najat Vallaud-Belkacem, une grande loi sur l’égalité. Et je vois qu’aujourd’hui on va former les gendarmes aux violences faites aux femmes. C’est très bien... Mais ça intervient sept ans après ! Je m’agace aussi du manque de volonté politique d’appliquer les textes. A l’Assemblée, je pense qu’on vote trop de textes, dont certains sont de circonstance. Quand on entend certaines femmes dirent qu’elles sont venues porter plainte et qu’elles n’ont pas été reçues, c’est à s’arracher les cheveux. Après, on aurait aussi pu faire des choses supplémentaires. On critique par exemple la lenteur de l’application de la PMA, mais on pouvait très bien l’adopter avec le mariage pour tous. »


« Si la radicalité est plus payante ? Je ne sais pas »


Comment percevez-vous l’hystérisation des débats, notamment sur les réseaux sociaux ?
« Je ne me manifeste pas du tout sur les réseaux sociaux. Je trouve très malsain ce qui s’y dit, tout comme dans certains médias d’ailleurs. Cela participe à la déconsidération de la politique. J’ai le sentiment qu’on n’arrive plus à discuter de certains sujets. C’est assez dramatique. »

Quel type de féminisme défendez-vous en 2021, à l’heure où plusieurs lignes s’affrontent ?
« Depuis le Mouvement de libération des femmes, il y a toujours eu des positions et courants plus extrêmes et d’autres conciliants. Les nouvelles formes de féminisme s’expriment sur les réseaux sociaux, avec des initiatives bienvenues. Si la radicalité est plus payante ? Je ne sais pas. Je trouve en revanche dommage et triste que les féministes s’insultent, comme ce fut le cas le 8 mars dernier à Paris. Entendre une survivante de la prostitution se faire invectiver, insulter, c’est lamentable (à Paris, Tours, Montpellier et Toulouse, ndlr). Ça ne fait pas avancer la cause du tout. »

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