La vente de la ferme géante fait débat

Elle s’étend sur plus de 2 000 hectares… La plus grande ferme de la Vienne est en vente. Plusieurs candidats sont en lice dont une coalition de la Confédération paysanne, favorable à un démembrement de cette exploitation géante.

Romain Mudrak

Le7.info

La plus grande ferme de la Vienne est sur le point de changer de main. Disséminées sur une dizaine de communes au nord et à l’ouest de Poitiers, ses parcelles s’étendent sur une surface totale impressionnante de 2 121 hectares. En vérité, pas moins de douze sociétés possèdent ces terrains, le tout réuni au sein d’une holding où figurent également un groupement d’employeurs avec 11,5 équivalents temps plein, une Cuma pour la mutualisation du matériel agricole, un GIE pour la commercialisation des cultures et des parts dans un méthaniseur. Mise à prix : 10,380M€.

Un seul lot « indissociable »

Plutôt que de passer par un notaire, le propriétaire a fait appel à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) Nouvelle-Aquitaine qui a publié le 30 juillet un appel à candidatures. Au moins trois prétendants se seraient déjà déclarés. La Confédération paysanne, de son côté, a bondi en voyant cette annonce. « L’ensemble est vendu en un seul lot indissociable, c’est tout un modèle d’agriculture industrielle et capitalistique qui pose problème », s’insurge Jacques Pasquier, militant de la Confédération paysanne qui a rencontré ce matin les responsables de la Safer de la Vienne. Ses collègues et lui préfèreraient un démembrement de cette exploitation géante. « On pourrait y créer 21 fermes de 100ha ou 105 fermes de 20ha. Ces terres pourraient permettre l’installation de jeunes paysans ou conforter l’activité des fermiers des alentours. » L’intervention de la Safer et les délais de candidatures très courts en plein été surprennent aussi les représentants de la Confédération paysanne. « En servant d’intermédiaire, la Safer cautionne ce modèle, empêche l’application des closes contre l’agrandissement excessif des exploitations », poursuit Jacques Pasquier.

La Safer, une « garantie de transparence »

L’intervention de la Safer et les délais de candidatures très courts en plein été surprennent aussi les représentants de la Confédération paysanne. « En servant d’intermédiaire, la Safer cautionne ce modèle, empêche l’application des closes contre l’agrandissement excessif des exploitations », poursuit Jacques Pasquier. Du côté de l’opérateur public foncier, Philippe Tuzelet s’étonne de cette mise en cause. « Notre présence dans cette transmission est plutôt une garantie de transparence, assure le directeur de la Safer Nouvelle-Aquitaine. Le vendeur peut nous demander d’évaluer la valeur des biens et se débrouiller seul. En étant mandaté, nous pouvons choisir le projet le plus pertinent pour le territoire, et même imaginer des combinaisons plus appropriées pour satisfaire tout le monde. » Et cette décision attendue pour le mois d’octobre sera prise en comité technique par « l’ensemble des acteurs du monde agricole ». En 2021, la Safer Nouvelle-Aquitaine a fait valoir son pouvoir de préemption dans 400 ventes d’exploitations agricoles ou forestières, évitant des effets spéculatifs sur le prix des terres. Enfin sur la dimension indissociable de la vente, Philippe Tuzelet explique que le propriétaire actuel ne veut rien garder : « C’est une transmission globale, à nous de trouver la meilleure solution pour que rien ne soit perdu. »

La Confédération paysanne mise sur le véto du commissaire du gouvernement de la Draaf(*) qui siège au sein de la Safer. Huit exploitants membres du syndicat ont également décidé de se porter candidats à la reprise, même s’ils admettent avoir très peu de chances de réunir les fonds d’ici le comité technique d’octobre. « Cette démarche est politique pour montrer qu’un autre modèle est possible. »

(*) Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.

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