Zygel improvise à Jaunay-Clan

En tournée à Taïwan, au Maroc, en Suisse et au Luxembourg, Jean-François Zygel fera une halte le jeudi 13 octobre, à l’Agora de Jaunay-Clan, pour le festival «Vox Musica ». Interview de ce pianiste-compositeur-improvisateur et formidable pédagogue…

Florie Doublet

Le7.info

Jean-François Zygel, vous êtes l’un des invités de « Vox Musica », festival pour lequel vous allez improviser autour de Bach. Que représente ce compositeur pour vous ?

« Mon plus vieil ami ! Et sans doute le plus grand compositeur de l'histoire de la musique. Je ne suis d'ailleurs pas le premier à improviser à partir de Bach ! Beaucoup de pianistes de jazz l'ont fait, tels que Jacques Loussier, Keith Jarrett, Dan Tepfer... Sans parler des Bach revisités par certains groupes de rock, par le rap ou la chanson. Je pense notamment à Maurane. » 

 

Je vous cite : « Quand j'ai mangé beaucoup de Bach, je n'improvise pas pareil que quand j'ai mangé beaucoup de jazz ou beaucoup de musique indienne... ». La musique est-elle la nourriture de l’âme ?

« C'est sa nourriture principale, avec la poésie et l'amour. Elle incarne le mouvement de l'âme et des sentiments. Invisible, elle ne représente pas le monde, elle en est son essence. »

 

Vous affirmez que vous pouvez improviser aussi bien avec un musicien de jazz qu’avec un joueur de doudouk arménien. Avec qui avez-vous partagé un moment d’improvisation particulièrement marquant ?

« Il y a d'abord les concerts à deux pianos, qui sont à la fois des joutes et des parades amoureuses : deux cerveaux, quatre mains ! Jouer avec des musiciens comme le violoniste Didier Lockwood ou le vocaliste Bobby McFerrin fait également partie des grands moments de jubilation de mon existence. J'aime aussi beaucoup improviser en compagnie de danseurs : je pense notamment à la fascinante danseuse japonaise Kaori Ito... Et côté théâtre, « préluder », « postluder » ou « interluder » quand l'acteur Didier Sandre (de la Comédie-Française !) lit Le Petit Prince ou des textes de Colette et de Jules Renard est toujours un moment de grâce. »

 

L’improvisation, est-ce à la portée de n’importe quel musicien ?

« Il faut tout de même un peu d'entraînement ! L'improvisation, ce n'est pas faire n'importe quoi comme cela vous vient au hasard. C'est certes se laisser aller à son imagination et à sa fantaisie, mais à partir d'une virtuosité instrumentale travaillée, d'une capacité mélodique, d'un apprentissage de l'harmonie et des formes, etc. En un mot, l'improvisation se prépare ! »

 

Quand avez-vous décidé de devenir pianiste improvisateur ?

« Tout vient de Mozart ! A l'école, on nous avait passé un petit film, « Mozart enfant prodige ». On y voyait le jeune Mozart improviser à la demande dans un salon, couvert de bisous par de jolies marquises et de charmantes duchesses ! A peine rentré à la maison, j'ai déclaré solennellement à mes parents : « Plus tard, je ferai Mozart ! »... »

 

« C’est du silence que naît la musique »

 

Dans la Vienne comme ailleurs, de nombreux festivals tentent de rendre la musique classique ou lyrique à la portée du grand public, sans toujours y arriver. A votre avis, pourquoi considère-t-on encore ce genre musical comme réservé aux initiés ?

« Parce que nous sommes dans une société du plaisir immédiat ! On veut des plaisirs rapides, le fast-food plutôt que de se mettre en cuisine, les clips plutôt que les longs-métrages, la bande-dessinée plutôt que le roman. Or, la musique classique demande parfois du temps et un peu de préparation. Quand il s'agit de L'Ave Maria de Schubert, d'une danse hongroise de Brahms ou de La Marche turque de Mozart, pas de problème. Mais certaines œuvres demandent plus d'investissement. Une symphonie de Mahler, par exemple, est un monde fascinant, tellement riche et puissant qu'il faut bien deux ou trois écoutes pour en jouir pleinement ! Quant à l'opéra, pas de problème pour Carmen, dont tout le monde connaît l'histoire et qui est en français. Mais pour Verdi, il vaut mieux connaître l'histoire avant d'arriver dans la salle... Et si l'on a déjà certains airs dans la tête, c'est encore mieux! »

 

Votre émission « La Boîte à musique » a 10 ans. D’où vient votre soif de transmission ?

« Je viens d'une famille qui n'écoutait jamais de musique classique. L'un de mes grands-pères était ouvrier chez Peugeot, l'autre chiffonnier et mes deux grands-mères étaient femmes de ménage. C'est grâce à l'école, à la télévision et à la radio que j'ai pu m'initier à la musique classique. Pour moi, c'est un devoir de consacrer environ 20% de mon temps à la transmission et au partage. »

 

J’ai lu dans un article d’Ouest France que vous n’écoutiez pas de musique chez vous. Etonnant, non ?

 « Il y a des gens qui préfèrent jouer au foot plutôt que regarder le match à la télévision... Moi, je préfère jouer, composer, faire de la musique avec d'autres musiciens ou être sur scène plutôt qu'écouter passivement de la musique chez moi. Et puis j'aime le silence. C'est du silence que naît la musique. »

 

Et cette manie de donner un petit nom à vos pianos, d’où vient-elle ?

« J'ai toujours donné un prénom à mes pianos et à mes vélos : ça vous embête ? »

 

Jeudi 13 octobre, à 20h30, Jean-François Zygel à l’Agora de Jaunay-Clan. Renseignements : festivalvoxmusica.blogspot.fr

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