Hier
Après avoir canalisé les eaux de pluie pendant près de deux siècles, les spécialistes préconisent désormais leur intégration dans la ville. Une journée dédiée, organisée à Poitiers mercredi dernier, a permis de faire le point sur les enjeux de cette approche.
Avec une vingtaine de projets, Grand Poitiers concentre un tiers des surfaces désimperméabilisées sur le territoire de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Ce n’est donc pas un hasard si l’établissement public a choisi Poitiers comme lieu de sa journée « Rafraîchir nos villes et villages grâce aux eaux pluviales », mercredi dernier. Qu’on se le dise, en milieu urbain, l’heure n’est plus à canaliser la pluie mais à la laisser s’infiltrer tranquillement dans le sol. Seulement voilà, la manie de la mettre en tuyaux ne date pas d’hier. Elle prend sa source au XIXe siècle, période pendant laquelle, pour lutter contre l’insalubrité, on a mis en place le tout-à-l’égout. Mais « le choléra n’existe plus aujourd’hui », rappelle Jean-Jacques Hérin, le président de l’Adopta, association pour le développement opérationnel et la promotion des techniques alternatives en matière d’eaux pluviales. Ces dernières peuvent donc être réhabilitées au rang de ressource.
Dans un contexte de réchauffement climatique, les bénéfices de la gestion intégrée des eaux pluviales (Giep) sont pluriels, financiers -les stations d’épuration ont une capacité limitée-, environnementaux car elle favorise la renaturation des espaces mais aussi l‘évapotranspiration… « L’intégration des eaux pluviales n’est pas tant une question technique que d’aménagement du territoire », insiste Jean-Jacques Hérin. « Il faut passer de la ville entonnoir à la ville éponge, pour se rapprocher du cycle naturel de l’eau », complète Elodie Brelot. La directrice du Graie, association dont la mission est de faire le lien entre scientifiques et praticiens dans le domaine de la gestion de l’eau en milieu urbain, invite à « aller vers des territoires eaux-responsable ».
La fin du tout-tuyau
Dans le cadre de son 11e programme (2019-2024), l’Agence de l’eau Loire-Bretagne a déjà financé 800 dossiers de Giep, soit 70M€ pour environ 200ha désimperméabilisés. Comment ? Les solutions sont diverses et, surtout, « complémentaires », assène Jean-Jacques Hérin. Noue -espace végétalisé creux-, échelle d’eau, espace vert inondable, arbre de pluie, végétalisation des façades, revêtement perméable… L’inventaire est non exhaustif. Reste un frein : les moyens. « A Grand Poitiers, nous dédions 2M€ à la gestion des eaux pluviales, explique la vice-présidente Isabelle Mopin, soit 850 000€ en investissement et 1,2M€ en fonctionnement. Et je peux affirmer que le budget investissement est consommé tous les ans ! Cela revient à 10€ par habitant là où l’idéal serait 40€/habitant. » Pour se saisir pleinement de cette compétence, Grand Poitiers a par ailleurs constitué au sein de sa direction eau et assainissement des cellules « eaux de pluie » (2 personnes) et « urbanisme et aménagement » (3 personnes), avec en projet la rédaction d’un règlement de gestion des eaux pluviales, leur zonage mais aussi une amélioration de la connaissance du patrimoine pluvial.
Crédit photo : Grand Poitiers
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