Conseils d’experts pour rester en forme, chapitre V

Ecrans, jeux vidéo, e-sport, quelle place leur donner en période de confinement, et au-delà ? Les experts invités par la Chaire sport et santé de l’université de Poitiers se penchent sur les atouts et inconvénients de leur usage. Morceaux choisis du cinquième webinaire.

Claire Brugier

Le7.info

Les « écrans », mauvais pour la santé ?

 

Nicolas Besombes, maître de conférence à Paris, vice-président de France E-Sports : « L’écran désigne un dispositif technique, le jeu vidéo est le médium qui utilise ce dispositif technique et l’e-sport est une modalité de pratique compétitive des jeux vidéo. L’e-sport est aux jeux vidéo ce que la compétition est à l’activité physique. Mais l’e-sport, ce ne sont pas que des jeux de sports, qui restent très marginaux. »

Laurent Bosquet, coordonnateur de la Chaire Sport et Santé et directeur du laboratoire Move à Poitiers : « A travers l’utilisation des écrans, se posent les questions de la sédentarité et de l’inactivité physique, avec des inconvénients sur notre santé et sur nos fonctions cognitives. Les écrans ont souvent une connotation négative, qui mais ce qui l’est, c’est son usage. »

 

Doit-on craindre l’addiction ?

 

Marion Haza, psychologue clinicienne et maître de conférence à Poitiers : « Le terme d’addiction est souvent associé aux jeux vidéo, or c’est avant tout un terme psychiatrique. Fin 2018, l’Organisation mondiale de la santé a parlé de « gaming desorder », littéralement « trouble du jeu vidéo ». Le terme ne fait pas consensus mais permet de repérer des troubles de co-morbidité. Moins de 2% de la population est touchée par une addiction réelle aux jeux vidéo. En revanche, pour les joueurs qui y passent beaucoup de temps, on peut se poser la question en termes de mal-être.  Il faut voir si le joueur a d’autres activités ou si c’est une activité exclusive. »

 

Quel intérêt pour les seniors ?

 

Vincent Blanchard, secrétaire général de l’association Silver Geek : « Selon la littérature scientifique, les jeux vidéo ont des bénéfices sur la santé physique et cognitive, ils ont un impact sur le bien-être des personnes âgées. Le jeu vidéo symbolise la société d’aujourd’hui. Quand on ne comprend pas ce monde-là, on s’en sent exclu. Mieux le connaître a un impact sur l’estime de soi, la peur de la chute… Silver Geek propose des ateliers numériques ludiques animés par des jeunes, souvent en service civique avec Unis-Cité, et co-construits avec les participants. Par le ludique, on crée l’appétence. Certains ateliers deviennent même un lien d’entraînement e-sport, en Wii Bowling notamment. C’est un vecteur de liens intergénérationnels formidable. »

Laurent Bosquet : « Pour les personnes atteintes de maladies chroniques ou vieillissantes, les jeux où l’on doit être actif peuvent avoir un impact positif. »

Marion Haza : « Presque tous les jeux peuvent se jouer en ligne, en coopération. Il existe de réelles interactions sociales, positives, pour revaloriser certaines personnes, tant chez les jeunes que chez les seniors. On voit par exemple, lors des compétions de Wii Bowling, l’interaction entre le public et les seniors, avec des adolescents qui se mobilisent pour venir soutenir des seniors. »

 

Peut-on faire abstraction de l’aspect commercial de ces jeux ?

 

Nicolas Besombes : « Tandis que le sport se construit à partir du social vers le commercial, l’e-sport part d’objets commerciaux. Mais aujourd’hui, on observe une volonté de structurer sa pratique au niveau local, la Gamers Assembly en est un exemple, avec le développement d’une pratique amateur et de loisir. Il existe des jeux gratuits, en open source. Comme dans le cinéma, il y a de gros blockbusters et toute une scène indépendante, extrêmement riche. Chaque année, 4 000 à 5 000 nouveaux jeux sont édités ou développés alors qu’on ne parle que de 5 ou 6 d’entre eux (GTA, Fifa…). L’e-sport peut être un outil social si on promeut une pratique responsable, rationnelle et encadrée afin de limiter les dérives. »

 

L’e-sport peut-il influencer le télétravail ?

 

Laurent Bosquet : « Devant un ordinateur, de façon générale, les neurones ont besoin d’oxygène pour fonctionner, l’oxygène étant amené par le système cardio-vasculaire. Le problème est qu’en restant assis trop longtemps, que ce soit pour travailler, une compétition, jouer en loisir, les mécanismes qui maintiennent la perfusion cérébrale vont perdre en efficacité. Face à cela, on peut utiliser différentes stratégies comme rompre la sédentarité à intervalles réguliers, utiliser la chaleur, des systèmes de compression… Les gamers vont sans doute développer des stratégies en ce sens qui pourront profiter aux travailleurs devant leur écran. »

 

Quelle utilisation de la réalité virtuelle ?

 

Nicolas Besombes : « La réalité virtuelle est aujourd’hui utilisée dans la médiation thérapeutique, le traitement des phobies… Mais il existe surtout une fracture numérique. Dans le sport, on a besoin de stades, de gymnases… Dans l’e-sport, il faut avoir Internet. Avant de penser à la réalité virtuelle, il faut parvenir à une territorialisation du numérique la plus avancée possible. Un casque de réalité virtuelle est onéreux et entre 10 et 15% de la population est sujette au mal de la réalité virtuelle. Cela ne me semble donc pas la technologie à développer le plus dans le futur, au moins à court terme. »

 

Webinaire, tous les mercredis, de 11h à 12h. Retrouvez le lien pour y accéder sur la page Facebook Chaire sport santé. Prochain thème abordé :  mieux vivre le confinement en améliorant la qualité et la quantité de sommeil. Plus d’infos sur la page Facebook et sur chairesportsante.univ-poitiers.fr.

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