Rencontres autour de la terre

Les jardins partagés en milieu urbain sont bien plus que de simples potagers. Sur leur terreau poussent des légumes et des fleurs. Des relations humaines y grandissent aussi.

Claire Brugier

Le7.info

Bêches, pelles, râteaux, grelinettes... Les outils sont de sortie, les plants en attente. Après un rapide repérage, le potager prend racine, entre une tour et une aire de jeux, à deux pas de la place Léon-Jouhaux et du centre social. A l’instar des Couronneries ou de Bel-Air, le quartier des Trois-Cités, à Poitiers, a reçu récemment la visite inopinée des Jardinières masquées. Pacifiques, elles -et ils- ont planté tomates, courgettes, fraisiers et autres aromatiques. Non seulement l’initiative favorise « un retour à la terre nourricière » et « la biodiversité en ville », mais elle crée du lien, entre les donateurs de plants, les jardi- niers d’un jour et les habitants de quartiers particulièrement fournis en logements collectifs. « Nous mettons un potager à la disposition des habitants. On l’initie, après c’est à eux de se l’approprier », explique Mélanie Autexier. Sur place, la surprise fait rapidement place à la curiosité, les enfants s’approchent, bientôt suivis des adultes. Le contact s’établit tout naturellement. Objectif atteint !
Inspirée par les Jardinières masquées de Tours, la démarche de Mélanie Autexier, Amélie Blanquart, Pauline Gourdon et de tous les jardi- niers qu’elles entraînent dans leur sillon fait joliment écho à la philosophie des jardins partagés. Ici aussi le jardin sert à « faire du lien social, intergénérationnel et interculturel », résume Nadine Procak, figure historique des Mains vertes des Couronneries.

Pour la vie de quartier

Dans ces jardins partagés, les premiers ouverts à Poitiers, en 2012 (avant ceux de Beaulieu et de La Blaiserie), vingt-six parcelles sont confiées à des habitants du quartier, à la seule condition qu’ils cultivent aussi la parcelle collective de 1 000m2. « Après le confinement, les demandes ont explosé. En se promenant pendant l’heure autorisée, certaines personnes se sont rendu compte que si elles avaient eu un jardin, elles auraient pu sortir. » Mieux encore, « certains habitants de la rue de Slovénie, qui ont un espace extérieur, viennent quand même travailler sur la parcelle collective ». Les écoliers d’Alphonse-Daudet et les enfants du centre de loisirs Bleu Citron aussi. « Les nouveaux adhérents sont plus jeunes. Et nous avons une douzaine d’origines différentes représentées. Ce jardin représente vraiment notre quartier », constate avec fierté Nadine Procak.
Les jardins partagés d’Ozon, à Châtellerault, sont plus récents (2018). Comme leurs aînés poitevins, ils ont pour vocation première de « créer du lien », répète Samir Chaalal, animateur vie de quartier au centre socio-culturel d’Ozon. Comme eux, ils sont ouverts aux écoles voisines Lavoisier et Lakanal, mais aussi à l’Acaf (Algérie sans frontière), l’Institut médico-éducatif Henri-Wallon ou l’Ecole de la 2e chance. « Le jardin est un outil de lien social, il permet la rencontre de gens qui se croiseraient sans se parler. Et puis si un jardinier est absent trop longtemps, cela peut nous permettre de détecter qu’il ne va pas bien. Plus généralement, cela permet d’aborder certaines probléma- tiques. Quand on bêche, quand on désherbe, les choses se disent plus spontanément. »

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