Cryothérapie : le froid, des vertus à prouver

La cryothérapie connaît ces dernières années un vrai développement, avec une croissance constante de l’offre grand public. Or, parallèlement, la recherche sur les bienfaits du froid sur le corps humain reste encore très partielle.

Claire Brugier

Le7.info

Centres dédiés, salles de sport, cabinets de kinésithérapie... En matière de cryothérapie, l’offre n’a cessé de s’étoffer. Dernier installé dans la Vienne, Cryotera® propose à Saint-Benoît des séances corps entier mais aussi de cryolipolyse pour brûler les cellules graisseuses, de pressothérapie pour favoriser la circulation sanguine et de cryolocalisée pour neutraliser localement la douleur, d’une tendinite par exemple. Autant de techniques « pour démocratiser les bienfaits du froid, note le co-gérant David Crol. La cryothérapie est un appui thérapeutique, on soulage la douleur et il n’y a aucun risque de brûlure. » La pratique, à partir d’azote liquide rendu à l’état gazeux, permettrait la libération de substances comme la noradré- naline ou l’endorphine. Elle aurait ainsi un effet bénéfique sur le sommeil, les performances sportives, le stress, les douleurs musculaires mais aussi sur des maladies chroniques telles que l’arthrose, l’arthrite, la fibromyalgie, le psoriasis ou la dépression.

La majorité des travaux de recherche tendent à confirmer les vertus anti-inflammatoires du froid, « ce qui fait sens dans de nombreuses pathologies, convient Benoît Dugué. Toutefois, le chercheur du laboratoire Move (mobilité, vieillissement, exercice) de la faculté des sciences du sport de Poitiers reste prudent. Si lui-même, inspiré par des pratiques observées en Finlande, s’interroge sur les bienfaits du froid depuis la fin des années 90, sur le sujet la littérature scientifique reste assez maigre et Benoît Dugué préfère parler de cryostimulation.

Moins de 700 articles scientifiques

« Le terme de thérapie est compliqué. Avec cette technique, on cherche à aider, pas à guérir. En Europe, la Pologne est le seul pays où les séances de cryothérapie corps entier sont remboursées pour certaines pathologies chroniques, rappelle-t-il. En France, le développement de la cryothérapie a à peine dix ans. A l’heure actuelle, environ sept cents articles ont été publiés sur la question dans le monde (dont un tiers dans les cinq dernières années, ndlr), ce qui n’est pas énorme. On n’en est plus aux balbutiements mais il y a encore beaucoup de questions à investiguer. Le problème de la recherche sur la cryothérapie, c’est qu’elle ne permet pas des travaux en double aveugle, avec placebo : le sujet se rendra compte qu’il n’est pas exposé à un froid négatif. Par ailleurs, on observe une grande variabilité selon les individus, l’âge, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, trapu ou longiligne... Et il y a bien sûr des contre-indications. »

Pourtant, en France, la pratique ne répond à aucun protocole global d’exposition et le froid n’est utilisé que de manière ciblée par le monde médical. En dermatologie par exemple.« Il s’agit d’une technique spécifique bien validée qui permet de détruire par le froid des lésions cutanées bénignes ou précancéreuses. Mais pas n’importe lesquelles, note le Dr Ewa Hainaut, responsable du service dermatologie du CHU de Poitiers. L’azote liquide (-196°C, ndlr), est appliqué à l’aide d’un coton-tige ou d’un appareil hermétique qui le vaporise. Cela congèle la peau et détruit la lésion par brûlure thermique. Le froid est aussi utilisé en cryochirurgie. » Récemment, l’Institut international du froid a initié un groupe de travail sur la cryothérapie corps entier (CEE) afin, notamment, de coordonner les actions des scientifiques. Mais le chemin est encore long. En France, seule la faculté des sports de Besançon propose, depuis peu, un diplôme universitaire « expert en cryothérapie ».

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