5G : Orange ne « passera pas en force »

A Poitiers comme ailleurs, les opposants au déploiement précipité de la 5G réclament un moratoire au gouvernement. Les opérateurs sont, eux, dans les starting-blocks sans pour autant vouloir passer en force.

Arnault Varanne

Le7.info

Il n’aura fallu qu'une tribune dans Le JDD pour enflammer les échanges. Près de soixante-dix élus écologistes et de gauche, dont la maire de Poitiers Léonore Moncond’huy, demandent au gouvernement de proroger le déploiement de la 5G « au moins jusqu’à l’été 2021 », le temps d’organiser un « débat démocratique ». Le hic, c’est que l’attribution aux enchères des fréquences démarre le 29 septembre et que le Président de la République en personne s’oppose à tout retard supplémentaire. Au passage, Emmanuel Macron ne s’est pas fait que des « Amish ». La 5G ou le retour à la lampe à huile, vraiment ? « Les paroles du Président sont insultantes, soupire Alexandra Besnard, nouvelle élue de Poitiers en charge du Numérique responsable. On n’est pas contre la 5G, on veut juste que chacun puisse se faire un avis éclairé. Il faut s’extraire de la technique pour aller sur le versant politique. »

Poitiers veut un jury citoyen

Le conseil municipal va entériner lundi la mise en place d’un jury citoyen avec un panel de « dix à quinze citoyens tirés au sort ». Ils plancheront aux côtés d’experts sur les vertus et méfaits de cette nouvelle fréquence de transmission des données, avant d’autres débats dans les quartiers prévus « au premier trimestre 2021 ». Soit exactement le même timing que celui prévu par Orange pour lancer ses premières offres commerciales dans la région. « On n’a pas beaucoup de marge sur la question », reconnaît Alexandra Besnard. Elle sera toutefois ravie d’apprendre qu’Orange ne « passera pas en force ». « Si des élus s’opposent fortement à la 5G, nous ne la déploierons pas dans ces territoires, assure Franck Aupetit. Qu’il y ait un débat, c’est toujours intéressant. Ce n’est pas qu’un sujet d’opérateur télécoms. » Mais le délégué de l’opérateur s’empresse de préciser qu’il est « délicat d’attendre. 77% des Français sont équipés d’un smartphone et 50% des connexions se font avec. Les besoins de débits et de volumes ont doublé en 2019. D’ici deux ans, le réseau 4G ne sera pas suffisant pour écouler cette croissance ». Au-delà, le dirigeant d’Orange met en avant les besoins de l’industrie 4.0, de la robotique et de l’intelligence artificielle pour justifier ce déploiement « rapide ». Sans compter « les emplois à la clé chez les opérateurs et dans les domaines de la santé, de la télémédecine... »

Une interrogation à long terme

Incidences sur la santé, nuisances environnementales, déploiement déjà imparfait de la 4G, consommation de ressources... Les arguments des uns sont battus en brèche par les autres, à l’appui d’études déjà sorties ou en attente, comme celle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation et du travail (Anses). Chercheur au Laboratoire d’informatique et automatique pour les systèmes et enseignant à l’IUT de Châtellerault (*), Frédéric Launay est l’un des meilleurs spécialistes des réseaux dans la Vienne. Il insiste sur un point précis : la consommation d’énergie. « La 5G transmet un signal de synchronisation quatre fois moins souvent que la 4G. Lorsqu’aucun mobile n’est connecté, l’antenne consomme moins d’énergie et pollue donc moins. » Le chercheur pointe le déploiement prévu à 3,5Ghz qui sera, dans un premier temps, « moins nocif ». Dans trois ans cependant, il existera une bande de fréquence supplémentaire de 26Ghz. « Les études réalisées ne montrent pas de problème de santé à court terme. On ne sait pas dire à long terme », conclut l’enseignant-chercheur.

(*) Retrouvez ses analyses sur blogs.univ-poitiers.fr/f-launay.

DR Archives Le 7

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