Christophe Nguyen : « La question est de 
réinventer le travail »

Psychologue du travail, président d’Empreinte humaine, Christophe Nguyen intervient ce mardi aux Salons de Blossac lors de la soirée « C’est mon boulot, les nouvelles clés pour réussir » organisée par France Info.

Claire Brugier

Le7.info

L’expérience du confinement a, à travers le télétravail, imposé la maîtrise du numérique comme un « incontournable pour réussir ». Mais est-il accessible à tous ?


« On l’a vu au début du confinement, avec la mise en place du télétravail forcé, les managers ont surtout eu peur d’un décrochage de leurs collaborateurs qui maîtrisaient moins l’outil numérique et d’un sentiment d’échec face à ce qui devient la nouvelle norme. Tous les emplois ne sont pas télétravaillables. Le télétravail a été le révélateur de grandes inégalités de notre société, entre cols blancs et cols bleus, hommes et femmes, petits et grands appartements disposant d’une pièce pour s’isoler... Les risques d’iniquité et de décrochage sont réels. »


Dans quelle mesure le télétravail peut-il modifier la relation employeur-employé ?


« Avec le confinement, toutes les réticences liées au télétravail ont été confrontées à la réalité. Les managers ont été obligés de faire confiance et, au final, ils ont eu de bonnes surprises. On peut donc considérer que c’est une victoire sur le management basé sur le contrôle, le présentéisme. On voit aussi globalement que les salariés en redemandent. Néanmoins il faut faire attention à une romantisation de tout cela. Le télétravail a créé de la confiance, de la solidarité mais il peut aussi généré un délitement du collectif et une intégration plus difficile de la culture et des codes de l’entreprise. On doit aller vers quelque chose d’hybride, en changeant la manière de structurer l’activité. »


Une journée de télétravail ne doit donc pas être calquée sur une journée en entreprise…


« Absolument pas. Les individus doivent changer de posture. Il faut choisir et optimiser les tâches exécutées en télétravail par rapport à celles réalisées dans les locaux de l’entreprise, sinon cela a peu d’intérêt. La question est de réinventer le travail, ce qui questionne la flexibilité, les temps de réunion… Il est évident que l’on est moins efficace en visioconférence. »


Comment limiter la perméabilité entre vies professionnelle et privée ?


« Il faut savoir créer des frontières. Le télétravail pose des problèmes de blurring : une confusion entre ce qui est professionnel et personnel, avec à la clé de la fatigue et des problèmes cognitifs liés à l’absence de break. L’éducation et l’accompagnement sont importants. Si deux tiers des personnes interrogées disent que le télétravail les aide à mieux équilibrer leurs vies professionnelle et privée, 40% avouent penser encore à leur travail le soir. Se déconnecter, ce n’est pas seulement éteindre son ordinateur. Il faut donc instituer des barrières de protection psychologiques. Il existe pour cela des postures psychologiques intéressantes et de bonnes pratiques de management. »


Le droit du Travail doit-il appuyer ces évolutions ?


« Le droit du Travail peut poser un cadre mais il faut surtout laisser la place à la négociation. Il va falloir renouveler le dialogue social pour expliciter les droits et les devoirs des uns et des autres. Quand les mails sont arrivés, ils ont révolutionné les process sans qu’il y ait d’accompagnement. Les gens travaillaient non stop ; on a fini par instaurer le droit à la déconnection. De la même manière, le télétravail est un nouveau mode d’organisation qui doit être anticipé, surtout par le dialogue. »

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