Laïcité : comment l'enseigner ?

Aujourd’hui, 9 décembre, Journée nationale de la laïcité. Au sein de l’Education nationale comme ailleurs, cette date prend cette année une dimension toute particulière et pose de façon prégnante la question de l’enseignement de la laïcité.

Claire Brugier

Le7.info

Il en existe pour tout, me direz-vous ! Une Journée nationale de l’hypersensibilité, de lutte contre le cancer, contre le racisme, du rire… et même de la chips (si si, le 22 janvier) ! Evidemment certaines ont plus d’écho que d’autres, parfois pour de tristes raisons. Au regard de l’actualité, un mois et demi après l’assassinat du professeur Samuel Paty, la Journée nationale la laïcité, aujourd’hui, revêt incontestablement une dimension particulière. Date anniversaire de la loi de 1905 dite « de séparation des Eglises et de l’Etat », elle invite à se pencher sur cette « invention » attribuée à Paul Bert et Jules Ferry : l’école laïque, autant que gratuite et obligatoire. « La laïcité est profondément française, c’est notre ADN, rappelle Arnaud Leclerc, Dasen par ailleurs coordonnateur académique du Pôle des valeurs de la République. Le principe de laïcité est au cœur des valeurs de la République que l’ensemble des personnels de l’Education nationale ont pour mission de transmettre aux élèves. » Il suffit de taper Journée de la laïcité dans un célèbre moteur de recherche Internet pour tomber aussitôt sur le site Eduscol du ministère de l’Education nationale. Mais, concrètement, comment le transmettre ?

« La laïcité commence par les gestes du quotidien, donc dès la maternelle, non pas sous la forme d’un débat philosophique mais par une approche concrète. Les professeurs d’histoire-géo sont toujours très engagés sur la question de la laïcité, mais on peut l’inclure dans toutes les disciplines, assure Arnaud Leclerc, prenant l’exemple de l’éducation musicale. Quand on étudie un muezzin musulman, un chant grégorien ou une musique de fête inspirée du culte judaïque, on fait un vrai travail de laïcité. Tout comme lorsque l’on chante en chœur, ce qui implique d’écouter l’autre et de chanter avec lui. » Toutefois, convient Arnaud Leclerc, en matière de laïcité, « il n’y a pas d’évaluation pédagogique ».

« Une valeur avant d’être un principe »

Lorsqu’il était référent laïcité à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation de Poitiers, le docteur en philosophie Xavier Lerner s’est penché sur la façon d’enseigner la laïcité, « l’une des trois valeurs immergées avec la solidarité et la justice ». Une valeur ?  Un principe ? Ou bien les deux ? « Bien sûr, la laïcité est un principe, précise l’universitaire. Mais si l’on veut la défendre, il ne suffira jamais de dire que c’est un principe. Il faudra que l’enfant y adhère personnellement. Le principe est fragile à partir du moment où l’on n’adhère plus à la valeur. Il n’y a que l’école de la République qui pourra sauver la laïcité. Elle est une valeur avant d’être un principe. » Lui-même, pour s’être essayé à l’enseigner, privilégie « une sorte de pédagogie Freinet de la laïcité et de l’esprit critique, une pédagogie active qui prenne l’élève là où il en est réellement de ses prises de conscience. » Or, « le débat ouvert à l’école a fortement reculé et on a recentré sur les fondamentaux : lire, écrire, compter ». Le philosophe va plus loin. « Il nous faudrait une sorte d’équipe de psychologues et philosophes qui travailleraient sur les valeurs progressivement acceptables par les enfants et les adolescents réels, quelle que soit leur culture de départ. » La question mérite réflexion, et pas uniquement lorsque les failles de l’enseignement de la laïcité se révèlent à travers des faits de violence. 

Photo Archives Le 7

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