
Aujourd'hui
Il dit rarement « je », un pronom sans doute trop personnel pour lui. Le « nous » lui sied mieux. « Un produit qui sort d’ici est une œuvre collective réussie, le résultat d’une réflexion, d’une matière... » Celui qui parle ainsi s’appelle Jean-Marc Neveu et dirige depuis six ans les sociétés Ardatec et CDA Développement, à Châtellerault. Dernièrement, vous avez sans doute entendu parler de lui au sujet de Plaxtil. C’est l’une des nouvelles activités de ses entreprises, co-pilotée avec deux de ses anciens camarades de promo de l’Ecole des Arts et Métiers. Sous-traitant de l’aéronautique d’un côté, chef de file du recyclage de masques chirurgicaux de l’autre. Tous les médias français et étrangers ont braqué leurs caméras et micros vers la TPE-PME du Nord-Vienne. Et donc aussi vers Jean-Marc Neveu. Qui discute aujourd’hui avec Kiabi, Nestlé, le ministère de l’Economie...
L’homme est un humaniste, ingénieur de formation à la rigueur sans faille. Et en même temps, un peu artiste aussi. Le fils... d’ingénieur et d’assistante sociale a « trouvé la voie de conciliation ». Gamin, le titi parisien se voyait revêtir les habits d’astronaute, comme aimanté par « la voûte céleste ». « C’est un monde fabuleux à explorer et à comprendre. Qu’est-ce que l’existence humaine à l’échelle de l’univers ? », interroge-t-il de ses yeux d’adulte. Un rapide calcul de probabilité l’a dissuadé de devenir le semblable de Thomas Pesquet. Qu’à cela ne tienne, il s’est donc rabattu vers les Arts et Métiers, à Bordeaux. Il en parle encore aujourd’hui avec la fierté des anciens, infiniment reconnaissant par rapport à ce qu’il a appris. Mais parce que « la technologie n’est pas une fin en soi, le progrès doit être au service de l’humain », Jean-Marc Neveu s’attache autant à l’économique qu’au social, à l’environnemental qu’au sociétal. Une gouvernance transversale directement inspirée du Centre des jeunes dirigeants. Il fut le président de la section Poitiers-Châtellerault entre 2011 et 2013.
Peu de temps après son arrivée, le dirigeant a organisé une séance photo de ses salariés, un concert dans l’atelier, a aussi initié ses collaborateurs aux serious games... Bref, il les a étonnés -dans le bon sens du terme- pour mieux susciter leur adhésion aux valeurs de l’entreprise. « Lorsqu’ils ont vu les photos, ils se sont trouvés beaux. Quand on fait quelque chose de bien, on se sent bien », insiste-t-il. Où l’on reparle d’« aventure collective ». « Lorsqu’on accueille des stagiaires, ils nous disent qu’ils sont dans la meilleur entreprise du monde. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont jamais seuls face aux problèmes. »
Atypique, Jean-Marc Neveu ? Assurément. Capable de vous ciuter Françoise Héritier, Hannah Arendt ou Kant en 1h38 d’entretien. Du philosophe allemand, il a retenu ceci : « On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter ». Autant dire que depuis le printemps, le dirigeant est servi côté incertitudes. Mais plutôt que de voir le verre à moitié vide -l’aéronautique en chute libre-, il préfère esquisser les contours d’une économie plus circulaire. D’où l’existence de Plaxtil.
De l’anthropologue française, il a retenu ceci : « Le mal commence avec l’indifférence et la résignation ». Parmi ses qualités premières, Jean-Marc Neveu cite sa « capacité à s’étonner des choses ». Ce qui fait sa force est aussi une « faiblesse ». Il se sait « un peu excessif » dans ses engagements. Pas au point d’oublier l’essentiel, sa fille de... 34 ans et ses trois petits-enfants de 12 ans, 8 ans et 1 mois. A ses heures perdues, il n’aime rien moins que se mettre au piano. Un héritage familial. « Une tradition » même. Concertistes célèbres, son grand-père Jean et sa sœur Ginette sont morts dans l’avion de Marcel Cerdan, aux Açores en 1949. Leur légende, et celle des quarante-six autres passagers de l’avion, est racontée dans un livre nommé Constellation.
De là-haut, sans doute que Jean et Ginette jettent un œil sur leur descendance. « Le piano fait partie de moi », acquiesce-t-il tête rivée vers les étoiles. En regardant dans le rétro, Jean-Marc considère qu’il a, jusque-là, eu « une belle vie ». Sans doute parce qu’il a « toujours été disponible pour de belles rencontres ». Foi de lecteur d’Hannah Arendt.
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Naomie Vogt-Roby. Circassienne de 21 ans, spécialiste du mât chinois. A grandi à Poitiers, dans le cirque de ses parents, Corinne Vogt et Octave Singulier. Passée par les écoles de cirque de Châtellerault puis de Québec, au Canada, elle démarre sa carrière d’acrobate professionnelle. Signe particulier : travailleuse et déterminée.