Jusqu’aux limites de la téléconsultation

Méconnue hier, la téléconsultation est aujourd’hui devenue une pratique courante, qui reste transitoire. Elle fait l’objet d’une mesure dérogatoire conditionnée à l’évolution de l’épidémie de Covid-19. Perdurera-t-elle au-delà ? Rien n’est défini pour l’instant.

Claire Brugier

Le7.info

Médecins, patients, la crise sanitaire a pris tout le monde de court et le premier confinement favorisé bon gré mal gré le recours à la téléconsultation. Méconnue en mars dernier, elle fait désormais partie des pratiques médicales communes. Promoteur au long cours de l’e-santé, en tant que représentant de l’URPS-Médecins libéraux, le Dr Philippe Bouchand en convient volontiers : la Covid-19 a réussi, grâce à une mesure dérogatoire, à faire en quelques semaines ce que lui n’a pas réussi en dix ans. « Le grand public comme les professionnels de santé ont découvert la téléconsultation lors du confinement, se réjouit-il. Seuls 10 à 15% des médecins généralistes étaient équipés, mais on a vu apparaître une centaine de plateformes d’e-santé. »

Bien que les débuts aient parfois été chaotiques, techniquement parlant, les chiffres confirment un déploiement exponentiel. Entre mars et novembre, la Caisse primaire d’assurance maladie a recensé près de 75 000 téléconsultations en libéral, contre moins de 200 sur la même période en 2019. Avec toutefois des fluctuations. « Cet été, les cas de Covid diminuant, l’appétence des patients pour la téléconsultation a baissé, elle a augmenté à nouveau à l’automne, mais de façon plus sereine. Aujourd’hui, les consultations à distance sont moins nombreuses que les consultations physiques. »

Le recours aux premières n’est par ailleurs pas égal selon l’âge des patients. « Elles sont plus fréquentes chez les 25-55 ans chez qui le numérique est un outil de travail. Plus on avance dans l’âge, plus se pose le problème de la fracture numérique », constate le Dr Bouchand. Il met en garde contre « ces moyens modernes faits pour rapprocher mais qui éloignent davantage encore les gens isolés, ce qui a pour effet d’accentuer la fracture sociale et les différences d’accès aux soins ».

Question de confidentialité

Une autre limite est purement médicale. « La téléconsultation est un service incroyable pour des patients en vacances ou en déplacement professionnel, ou dans le cas d’un suivi de dossier, note le Dr Bouchand. Mais pour une primo-consultation, avec un patient inconnu, cela peut conduire à des abus. On ne peut pas tout faire en téléconsultation. »

Le président du conseil départemental de l’Ordre des Médecins va plus loin encore. Dans son cabinet, le Dr Franck Duclos a choisi de ne pas mettre en place la téléconsultation. Il n’est pas le seul. Sur les 450 médecins libéraux en activité réelle entre mars et novembre, 120 ont fait de même. « L’exercice de la médecine comprend un examen physique, justifie-t-il. On peut faire de la régulation par téléphone, mais avec la téléconsultation, la consultation est incomplète. A titre personnel, je ne souhaite pas que cela devienne l’usage car cela ne remplace pas un examen clinique avec un stéthoscope, un tensiomètre, la palpation… »

Enfin, une autre question s’impose, celle de la confidentialité. La porte de la salle à manger qui s’ouvre alors que le médecin rend à distance un diagnostic et voilà le secret médical éventé. « Il est donc important, conclut le 
Dr Bouchand, que l’usage de la téléconsultation, s’il devait perdurer, soit encadré par un référentiel, de façon pratique, éthique, juridique... »

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