La laïcité à l’épreuve du drame

Un an après, comment l’Ecole vit-elle avec le souvenir de l’assassinat de Samuel Paty ? En réaffirmant de façon encore plus prégnante l’importance de la laïcité et des valeurs de la République.

Claire Brugier

Le7.info

Elle a hésité à témoigner. Non pas qu’elle n’y voit pas intérêt, mais « juste le fait de reparler de l’événement me perturbe encore », confie-t-elle. Finalement, elle a accepté parce qu’elle a « foi en son métier ». Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, a été assassiné à la suite d’un cours sur la liberté d’expression. Un an plus tard, cette collègue d’un collège du Sud-Vienne confie « être encore plus prudente aujourd’hui sur le choix des exemples et du vocabulaire utilisés ». Elle veut être certaine que le message passe. « Avant, on savait qu’il pouvait être partiellement entendu, aujourd’hui on a la crainte que les élèves n’en prennent qu’une partie. Depuis dix ans que j’enseigne, j’ai changé de discours sur la démocratie. Avant, elle n’était pas autant menacée. » Toutes les occasions sont bonnes pour aborder les valeurs de la République. « Par exemple, en 4e, en octobre, on parle de la philosophie des Lumières. Ce chapitre a pris une importance fondamentale, avec des textes comme la Prière à Dieu de Voltaire où il écrit :
« Tu ne nous as point donné des mains pour nous égorger »… » Pour autant, la responsabilité de la transmission doit-elle reposer sur les seuls professeurs d’histoire ? Si d’aucuns s’accordent sur l’importance d’inscrire la laïcité dans un héritage, « cela reste une notion qui doit être enseignée par les professeurs d’histoire et pratiquée par tout le monde », assène Jules Aimé, professeur à Poitiers. Or, on a parfois l’impression que certains collègues se sentent moins légitimes que nous. »

Lui a conservé un portrait de Samuel Paty dans sa classe mais « les élèves ne savent déjà plus qui il était. Si jamais ils l’ont su… On va devoir mener un devoir de mémoire. Personnellement, je fais à peu près le même cours que Samuel Paty sur la liberté et la liberté d’expression, je l’ai juste recontextualisé et j’y ai ajouté son histoire. Maintenant, c’est facile de dire ça à Poitiers… »

Pas d’auto-censure

Dans l’académie, 59 « signalements d’atteinte à la laïcité » ont été enregistrés l’an dernier. Pour autant, « nous n’avons pas connaissance d’auto-censure, note Pascal Gandemer. Le secrétaire départemental de la FSU de Charente-Maritime sait que « la mise en œuvre de la laïcité dans une classe peut toutefois être compliquée. Il faut être armé idéologiquement ». Son syndicat envisage de mettre en place des stages en ce sens. Le vaste plan de formation des enseignants à la laïcité annoncé à la rentrée par le ministère de l’Education nationale ne convainc pas encore, même si, localement, le Pôle valeurs de la République a été réactivé, 27 formateurs à la laïcité ont déjà été formés, et jeudi, symboliquement, l’espace d’accueil du hall A du rectorat de Poitiers prendra le nom de Samuel-Paty.

« Nous travaillons aussi avec les élèves via le comité académique de la vie lycéenne »,
souligne la rectrice, Bénédicte Robert. Des élèves des académies de Poitiers, Limoges et Bordeaux ont ainsi rendez-vous mercredi à Angoulême pour un hackathon destiné à « faire vivre laïcité au sein de leur établissement », comme le prévoit l’article 15 de la Charte de la laïcité à l’Ecole.

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