Qui sème le vent récolte la colère

Avec 110 mâts en fonctionnement et 187 nouveaux autorisés, la Vienne figure au deuxième rang régional en termes de production d’énergie éolienne. Une frénésie de projets qui exaspère les maires, notamment ceux du Sud-Vienne.

Arnault Varanne

Le7.info

21 juin 2021, à Lathus-Saint-Rémy. Quarante élus du Sud-Vienne prennent la pose les bras écartés, comme pour simuler les pales d’une éolienne. L’image est forte et fait le buzz sur les réseaux sociaux. Elle dit le ras-le-bol des maires et conseillers municipaux face à la déferlante de nouveaux projets éoliens. Un chiffre résume la situation : les communautés de communes du Civraisien en Poitou et de Vienne et Gartempe produisent 75% de la puissance départementale et concentrent 91% des machines, alors qu’elles ne représentent que 40% de la superficie. Le comité de suivi de l’éolien 86 estime qu’à l’horizon 2030, si tous les projets sont autorisés, la Vienne se situera au premier rang de la Nouvelle-Aquitaine avec 
372 mâts (110 aujourd’hui) et 73 parcs (21).

« La multiplication des parcs sur une seule partie du territoire pose problème », assène Michel Jarassier, maire d’Usson-du-Poitou et président de la communauté de communes de Vienne et Gartempe. On a deux vallées, celle de la Gartempe et de la Vienne, qu’on aimerait préserver. Nous pensons avoir déjà contribué à l’effort collectif. » La disparité entre le nord et le sud est criante, mais elle concerne aussi et surtout la Nouvelle-Aquitaine. Les Pyrénées-Atlantiques, le Lot-et-Garonne ou encore la Gironde n’hébergent aucun parc. « Il est temps de se poser et de savoir ce qu’on veut collectivement. Il y a une dizaine d’années, il existait des zones de développement de l’éolien qui me semblaient pertinentes... »

Un moratoire symbolique

A ce jour, 187 nouvelles éoliennes ont déjà été autorisées et 78 nouveaux projets sont à l’instruction. Trop ? Pas pour Christèle Raimbert, maire de Saint-Pierre-de-Maillé. Sa commune détient le record du nombre de mâts (18), sachant que trois nouveaux devraient être érigés. L’édile rappelle que le conseil municipal n’a qu’un 
« avis consultatif » à donner. Autrement dit que son pouvoir est limité. « Au sein de la communauté de communes, d’autres maires ne sont pas favorables aux éoliennes et je respecte leur position. » L’antagonisme atteint son paroxysme dans le Sud-Vienne, où les maires de Lathus-Saint-Rémy, Antoine Selosse et de Plaisance, Aurélien Tabuteau, défendent des positions opposées.

« Je comprends mes collègues maires qui acceptent, cela leur apporte des recettes fiscales, avance la maire de Joussé, Lydie Noirault. Personnellement, j’y suis défavorable. Je n’ai pas envie de vivre dans un parc industriel d’éoliennes. Les nuisances visuelles sont vraiment importantes. » Les communautés de communes du Loudunais, du Civraisien en Poitou et de Vienne et Gartempe ont ainsi voté un moratoire contre de nouveaux projets. Une mesure qui n’a aucun caractère coercitif. Michel Jarassier élargit le débat à « d’autres énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque. A nous d’être innovants là-dessus, tout en baissant les consommations ».
 

Hervé Lecomte : « Avoir le plus d’adhésion possible »

Directeur général de Sergies, Hervé Lecomte n’ignore rien des crispations du moment autour de l’éolien. Le principal promoteur de projets... éoliens dans le département appelle cependant à dépasser les appréhensions. « Chez Sergies, nous faisons en sorte d’échanger un maximum avec les communes, pour qu’il y ait le plus d’adhésion possible autour d’un projet », avance-t-il. Son entreprise est impliquée dans 8 nouveaux projets de parcs, dont celui de Millac, érigé en 2022. « Il y a une dizaine d’années, avaient été créés des schémas de planification. Les opposants se sont attaqués au dernier en date, ce qui a conduit à un développement plus anarchique. Je comprends que les élus, pour certains, se plaignent de la situation. » Et Hervé Lecomte de citer le projet de Savigny-l’Evescault, dont le vent de contestation a fini par avoir raison, malgré les études préalables. Le comportement agressif de certains opérateurs ? Le DG de Sergies le déplore. « Pourtant, la filière s’est organisée pour les éviter. Après, on est vraiment sur une question de confiance, avec une charte de l’éolien qui donne les bonnes pratiques. Je crois vraiment que le débat actuel dépasse l’éolien. Je comprends la peur patrimoniale des riverains avec une gêne visuelle. Mais quelles sont les alternatives sans nuisance ? C’est le même débat sur une nouvelle route, une ligne ferroviaire à grande vitesse... »

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