Grandes cultures : le défi de la bio

Organisé à l’attention des agriculteurs, le Mois de la bio est l’occasion de découvrir de l’intérieur les atouts et difficultés d’une conversion. Dans la Vienne, quatre exploitations vont ouvrir leurs portes, dont deux en grandes cultures.

Claire Brugier

Le7.info

Facile à dire, pas si facile à faire... Convertir son exploitation agricole en bio n’est pas de ces décisions que l’on prend sur un coup de tête. Elle s’inscrit sur le temps long, celui de la réflexion, de la mise en œuvre, des premières productions. Afin de permettre aux professionnels indécis ou perplexes de trouver des réponses, Bio Nouvelle-Aquitaine, les chambres d’agriculture, Interbio Nouvelle-Aquitaine et leurs partenaires organisent en novembre le Mois de la bio, « un événement gratuit pour faire découvrir aux agriculteurs en conventionnel qui voudraient se convertir les modes de production, les filières, les perspectives, les cultures innovantes », résume Martine Cavailler, coordinatrice d’Inter Bio. Pour cela, rien de tel que des échanges sans filtre avec leurs pairs.

Spécialisés dans les grandes cultures, Alain Dangiers et Vincent Reau ont connu toutes ces interrogations. Ils font partie des quatre exploitations de la Vienne qui vont ouvrir leurs portes, respectivement les 9 et 15 novembre. 


Diversifier les cultures

« J’avais surtout des appréhensions techniques », confie Vincent Reau, à la tête de 210 hectares, à Ayron. « J’ai commencé par convertir un tiers de ma ferme en bio, en 2018, puis le reste en 2020. Je fais des céréales en mélange avec des légumineuses, qui ont la particularité de capter l’azote dans l’air. » Blé et féverole, triticale et pois… Vincent Reau teste les mélanges, les variétés aussi. Il cultive aussi bien de l’avoine, du tournesol et du maïs que des lentilles, du lin ou… des haricots rouges. « En bio, il faut jouer sur les rotations, avoir des enchaînements de cultures qui n’aient pas le même cycle, pour perturber les mauvaises herbes. » Car, l’exploitant ne le cache pas, même équipé du matériel adéquat (herse étrille, bineuse, écimeuse…), « la grosse contrainte, c’est le désherbage mécanique ». « Il faut être auprès de ses cultures, beaucoup observer et utiliser les fenêtres météo au mieux. » Le temps de travail s’en ressent -jusqu’à presque doubler-, le rendement aussi. « Il y a des échecs, environ 15% de la production par an. » Mais Vincent Reau ne regrette pas.


Alain Dangiers, lui, s’est longtemps posé la question de la conversion. Et puis à 50 ans… « Depuis mon installation en 1989, j’avais toujours eu le souci de préserver le sol, j’étais en non-labour. » Convaincu du bien-fondé de la démarche bio, il en relève toutefois les limites. « On a beau adapter les rotations et le matériel, il ne faut pas chercher le 100% sans mauvaises herbes… » Les aides, globales quelle que soit la superficie, ne compensent pas tout. Les « bouchons bio »
(engrais organiques) ont un coût, les prix de conversion sont moindres… « Si je ne raisonnais qu’économiquement, je me gratterais la tête… » Mais comme Vincent Reau, l’agriculteur de Valence-en-Poitou y croit et mise sur le marché de l’alimentation humaine, en envisageant « des productions plus spécifiques comme les pois chiches, le sarrasin, le chia… »
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Bio : une filière qui se construit

Pilier de la transition agro-écologique, l’agriculture biologique progresse nettement, emmenée par un marché dynamique. « La consommation de produits bio a doublé en cinq ans et, aujourd’hui, le marché représente plus de 13M€, ce qui classe la France en deuxième position derrière l’Allemagne », remarque Claire Vanhée, conseillère pour Vienne Agro-bio et Bio Nouvelle-Aquitaine.

La région, qui se classe au deuxième rang français, compte 8 010 fermes bio. En termes de superficie, cela représente 329 247 hectares (certifiés ou en conversion. Dans la Vienne, les fermes bio représentent 13,5% (527) des fermes du département, ce qui revient à 8,7% de la surface agricole utile (40 834ha), certifiés ou en conversion. Et en 2021, 50 ont franchi le pas à leur tour.

La marge de progression est importante, à l’image la croissance actuelle en Nouvelle-Aquitaine : +35% de surfaces bio pour la viticulture entre 2019 et 2020, +9% pour les plantes fourragères, +13% pour les grandes cultures, + 40% pour les légumes frais, 11% pour les fruits et 21% pour les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM). Côté production animale, le nombre de nouvelles exploitations bio augmentent également.

« Il est important que la demande puisse croître au même titre que l’offre », note Martine Cavailler, coordinatrice Interbio Nouvelle-Aquitaine.  D’anticiper la consommation pour adapter les filières, sachant qu’il faut compter le temps du changement. « Une conversion implique de changer de pratiques, de filières de distribution, de matériels, note Martine Rullier, coordinatrice Vienne d’Agrobio. On pourrait se dire que les exploitants en fin de carrière ne veulent pas se lancer mais certains veulent relever ce challenge, d’autres pensent à la reprise de leur exploitation et à remplacer un système qui s’essouffle. Et puis il y a des jeunes qui s’installent directement en agriculture biologique. L’âge moyen des exploitants bio se situe entre 40 et 50 ans. 

Plus d'infos sur moisdelabio.fr.

 

 

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