Jules Barot, son retour à la terre

Jules Barot. 28 ans. Né à Châtellerault, a grandi à Monthoiron. Ancien ingénieur en propulsion aéronautique civile, aujourd’hui reconverti dans le maraîchage bio. Ambitionne d’installer une mini-ferme, comme un sanctuaire, d’ici 2023. Signe particulier : aime les choses bien faites et les savoir-faire anciens.

Steve Henot

Le7.info

En ce vendredi pluvieux, on ne se bouscule pas devant son étal de légumes bio. En tout et pour tout, Jules Barot n’a eu que deux clientes dans l’après-midi. Apprentissage difficile pour le jeune maraîcher de 28 ans. « Financièrement, ce n’est pas encore viable », convient-il, alors qu’il remballe tomates, courgettes et aromatiques. Depuis plusieurs semaines, il s’installe en centre-bourg de Thuré, mais aussi sur le marché de Châteauneuf, au Panier Sympa et aux Plaisirs gourmands de Châtellerault. Et s’est récemment lancé dans la vente en entreprise, auprès des personnels de l’hôpital de Châtellerault pour commencer. Jules croit beaucoup en cette opportunité pour pouvoir vivre de son activité. « C’est dur mais au moins, je décide. Quand ça marche, c’est grâce à moi ; quand ce n’est pas le cas, je sais à qui je peux m’en prendre… »

« Je veux sauver le monde ! »

Il y a encore un an, il travaillait dans… l’aéronautique. « Rien à voir ! », sourit-il. Bon élève, cet ancien du Lycée pilote innovant international (LP2i) a mené des études d’ingénieur, d’abord à l’Ecole des arts et métiers puis à l’Imperial College de Londres. « Intellectuellement, c’était fantastique. Je me suis éclaté en prépa. » Le jeune homme se passionne alors pour les turbomoteurs et « tous ces calculs simples qui permettent de concevoir des systèmes complexes ». Mais arrivé dans le monde du travail, il peine à s’épanouir au sein de grandes entreprises, à Paris puis à Bordeaux. « Entre les luttes d’ego, la lenteur des process… Je n’y trouvais pas mon compte, je ne suis pas fait pour une dynamique productiviste. J’aurais dû être compagnon du devoir, comme il y a cent ans… »

L’ingénieur en propulsion aéronautique civile s’interroge sur le sens de son métier. « Je faisais des pièces énergivores au possible. On importait d’Allemagne des lingots de titane qu’on faisait ensuite fusionner en Espagne… Il m’est arrivé de me dire que ce n’est pas ce que je voulais faire. » Son mode de vie avait changé, ses aspirations aussi. « J’ai toujours été sensible à la nature, mais pas profondément écolo. Quand on est étudiant, on ne se pose pas trop de questions. Après avoir commencé à travailler, j’ai compris que l’écologie pouvait avoir trait à tous les aspects de ma vie. » Il pose sa démission deux jours avant le premier confinement et suit sa compagne à… Châtellerault, sa ville natale. « Je n’imaginais pas y revenir. Mais on est bien chez soi, en fait. Ici, j’ai mes repères, ma famille… » Et un nouveau projet de vie qui l’enthousiasme.

« J’ai compris que l’écologie avait trait à tous les aspects de ma vie »

Sa rencontre, quelques semaines plus tard, avec un « ancien » des Arts et métiers devenu maraîcher bio réveille ses envies de jardin. Après plusieurs jours de « woofing » à Lyon, dans la ferme de ce dernier, Jules revient dans la Vienne avec un projet de potager en tête. Il le soumet alors au lycée agricole de Thuré, qui met à disposition un espace test. « Ils ne m’ont pas pris au sérieux au début, je leur ai montré que j’étais motivé. » Avec le soutien de l’Asceascop, il plante ses premiers semis le 11 mars et vend ses premiers légumes courant juin. « Je n’ai que des super retours, c’est hyper valorisant. » Jules a déjà pensé à l’après. Il est « en discussion » pour suivre une formation de technicien agricole auprès de la MFR de Chauvigny en vue d’une installation en 2023, dans une « mini-ferme en bio et écolo, comme un sanctuaire préservé ». Avec ce projet, Jules n’ambitionne rien de moins que de « sauver le monde ». A son échelle. « Quand je me lève, j’ai l’impression de faire du bien : les insectes, les reptiles, les amphibiens reviennent sur la parcelle… Ça peut paraître mainstream de dire ça, mais il y a une vraie urgence. Je veux au moins me donner la peine d’essayer. »

Plusieurs métiers en un

A cette mini-ferme, il souhaiterait inclure une offre de boulangerie artisanale, qui est l’une de ses passions. Il compte d’ailleurs passer un CAP boulanger en candidat libre en 2022. « C’est le métier que je voulais faire avant de vouloir devenir menuisier à l’âge de 10 ans. Ce n’est jamais parti. » La menuiserie non plus d’ailleurs. Aujourd’hui encore, dès qu’il le peut, Jules construit divers mobiliers en bois. Tabourets, tables, commodes… Cette autre passion, il la doit à son grand-père, forgeron de métier avec qui il fabriquait des petits jouets dans son enfance. La disparition de son aïeul, en 2016, a été « une tragédie ». « Tout ce qu’il faisait était parfait. C’est quelqu’un qui m’a énormément appris, je lui dois tout. C’est ma façon de lui dire : je vais continuer à penser à toi. » De cette époque, il a conservé un goût pour les outils anciens. Il y a trois semaines, il a récupéré la vieille forge chez ses grands-parents pour pouvoir créer des ciseaux à bois, des griffes de bois… Avec une idée en tête. « Que ça occupe la saison morte en maraîchage, assure-t-il. Je vais bientôt déposer ma marque. » Ses réalisations s’exposent déjà sur les réseaux sociaux, où il parvient à faire quelques ventes. Avec toutes ces activités, pas facile pour Jules de se garder un jour « off ». Sans compter qu’il a aussi cette maison à retaper, à Pleumartin. « Mon père m’a dit : « Je ne sais pas si une vie te suffira. ». » A ce rythme, elle promet d’être bien remplie.

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