Montreuil-Bonnin, une histoire de famille

Depuis 2012, Isabelle et son mari Jérôme Dupont n’ont d’yeux -et de bras !- que pour le château de Montreuil-Bonnin. Le couple a décidé de faire de cet héritage de pierre un véritable projet familial.

Claire Brugier

Le7.info

« Un jour, on habitera très probablement ici, la vie à la campagne ne me fait pas peur. » 
Depuis 2012, Isabelle Dupont multiplie les allers-retours entre Versailles et le château de Montreuil-Bonnin, à Boivre-la-Vallée, comme aimantée par cet héritage familial que son mari Jérôme et elle ont entrepris de « restaurer, animer et transmettre ». 
Trois jours par semaine, au minimum, la petite-fille de Maurice Hacault, ancien maire de la commune (1955-1966), revient sur la terre de ses aïeuls, propriétaires du château de Montreuil-Bonnin depuis 1862. « Nous avons récupéré un monument vide, qui avait été loué pendant une quarantaine d’années. Tout notre temps libre, nous le passons à restaurer, jardiner, maçonner… C’est un projet de famille, insiste-t-elle. Nous étions quatre enfants, c’est une mission qu’on accepte ou pas. » Rien à voir avec la vie de château qui hante l’imaginaire collectif. 
« On ne part pas en vacances à côté, tous nos picaillons vont dans les travaux. Alors certes je possède un château, mais je me demande si ce n’est pas lui qui me possède un peu », sourit la passionnée de patrimoine, dotée d’une formation en finances « bien utile pour gérer les travaux ».

Au fil du temps, Isabelle Dupont s’est familiarisée avec les exigences administratives, le calendrier des travaux validés par la Drac, les subtilités des demandes de subventions… 
« J’ai arrêté de travailler à côté », confie-t-elle. Son mari, ancien commandant dans la Légion étrangère, a aussi trouvé du sens à (re)prendre cette forteresse médiévale. Quant à leurs enfants, cinq aujourd’hui âgés de 18 à 31 ans, « même si c’est un projet de famille, il ne faut pas leur imposer. A chaque âge correspond une façon différente de profiter des lieux », souligne Isabelle Dupont. Lorsqu’elle-même était petite, le château était loué à l’année mais « nous passions en-dessous. A Noël, nous avions une carte postale encadrée… Et puis il y a les histoires de famille, les souvenirs de ma mère qui raconte que mon grand-père jouait du piano dans la bibliothèque… »


Passion grandissante

A raison de trois fois par an, le château de Montreuil-Bonnin ouvre ses portes au grand public. Dès 2013, Isabelle Dupont a créé l’association des Amis du château « dont l’objectif est la mise en valeur du site par des événements culturels et festifs », en l’occurrence une fête médiévale lors des Journées du patrimoine, un concert en juin et un autre à l’occasion de la Nuit des châteaux. « Un monument, il faut s’en occuper, le faire vivre. Il faut être là. » 
Isabelle et Jérôme Dupont ont accepté ce défi digne de Sisyphe. « C’est un éternel recommencement. Jamais on ne s’est dit qu’on ferait autant de travaux. C’est un chantier énorme. Mais la passion du monument grandit au fur et à mesure que nous nous y investissons. » Pour preuve, Isabelle Dupont est aujourd’hui déléguée de la Demeure historique dans la Vienne.

Le logis Renaissance de 250m2 au sol (XVe-XVIIe siècles) ainsi que la dépendance sont loués en gîte, la poterne le sera bientôt et le donjon, en cours de restauration, comptera lui aussi, au deuxième étage, une « chambre d’hôtes insolite ». Le premier étage sera divisé en petits ateliers en lien avec l’histoire du château, monétaire, de taille de pierre, de travail du bois, de mesures médiévales… « Pour nous, il est indispensable, financièrement, de louer. J’aime aussi l’idée que des familles ou des bandes de copains viennent dans le château et s’y fassent de bons souvenirs. C’est une façon de le partager. »

REPERES

Passé - Même si la construction actuelle date du XIIIe siècle, la première mention du château de Montreuil-Bonnin figure dans le listes des possessions du Comte de Poitou au XIe siècle,. Voilà donc dix siècles que la bâtisse, remanié au fil des époques, se dresse sur son éperon rocheux, en surplomb de la Boivre. Monument historique depuis 1840, lors du premier classement Mérimée, le château a joué un rôle militaire mais aussi économique de premier plan. Pendant plus d’un siècle et demi, on y a même battu monnaie.

Présent - Les travaux de rénovation, au-delà des charges annuelles (entre 25 000 et 30 000 euros/an d’eau, électricité, chauffage, entretien…), sont coûteux. La rénovation de la poterne a mobilisé environ 300 000 euros et les travaux de réhabilitation du donjon, en cours actuellement, sont estimés à 900 000 euros. La Drac subventionne les travaux dans ce monument classé à hauteur de 40%, une aide à laquelle s’ajoutent ponctuellement d’autres subventions ciblées, de la Fondation Mérimée notamment. Parce qu’il a été sélectionné au Loto du patrimoine, le château de Montreuil-Bonnin a eu droit à 20% supplémentaires de subvention de la Drac et 50 000 euros au titre du Loto du patrimoine. Certains départements, comme la Charente-Maritime, participent financièrement à la restauration d’éléments privés du patrimoine, pas la Vienne, ni la Région Nouvelle-Aquitaine. On comprend dès lors que les propriétaires du château soient toujours en quête de mécènes, petits et grands.

Futur - “Nous avons une mission de sauvegarde, pour partager et transmettre ce patrimoine“, note Isabelle Dupont qui supervise depuis plusieurs mois le chantier du donjon. La partie sommitale devrait être terminée dans dix mois. Il restera alors à restituer les deux planchers et une voûte de pierre. L’attention de la propriétaire devrait ensuite se porter sur les remparts ouest et une jolie tour ruinée, puis, dans quelques années, sur la toiture du logis Renaissance.

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