Les super-pouvoirs du tardigrade

Doté d’une résistance extraordinaire, le tardigrade intéresse les scientifiques du monde entier. Des étudiants de l’université de Poitiers ont décidé de consacrer leur projet de recherche à cet animal, espérant en tirer des applications prometteuses.

Steve Henot

Le7.info

Il est partout autour de nous. En forêt, au sol ou près d’une source d’eau… Pourtant, nous sommes peu nombreux à l’avoir observé de nos propres yeux. Et pour cause, celui que l’on appelle « ourson d’eau » 
ne mesure pas plus d’un demi-millimètre ! Lui, c’est le tardigrade, un petit animal rondouillard, rendu « célèbre » depuis qu’il a été envoyé… sur la Lune, en avril 2019.


Sa particularité ? « Il peut survivre dans des conditions environnementales extrêmes, répond Julie Jadeau. Il résiste à des températures allant de 150°C à -280°C, à des pressions deux fois plus importantes que ce que nous pouvons supporter et à des radiations très élevées… » 
Ses surprenantes capacités ont piqué la curiosité de l’étudiante et de quatre de ses camarades en master 2 de biologie à l’université de Poitiers. Le tardigrade sera le sujet de leur projet de recherche. « En s’attardant sur les dernières avancées, nous avons vu une possibilité de découverte importante, explique Coline Letourneur. On s’est dit : Pourquoi pas nous ? »


Des recherches 
en unité Inserm

Les cinq étudiants s’intéressent principalement à la cryptobiose du tardigrade, qui permet à l’animal de mettre son métabolisme à l’arrêt, donc de survivre en milieu hostile. Jusqu’à trente ans dans cet état. Étonnant quand on sait que son espérance de vie se limite à deux ans maximum ! Leur idée serait d’appliquer la cryptobiose aux cellules humaines. Dans quel but ? Pour lever les contraintes de conservation d’un organe humain, entre deux greffes. Celle-ci ne serait alors plus seulement limitée à huit heures. Et comment comptent-ils s’y prendre ? Par une solution d’ARN messager, comme le vaccin contre la Covid-19. « Grâce à ça, il n’y a pas de modification génétique. » 

En rêvant un peu de science-fiction, il pourrait être envisagé d’appliquer la cryptobiose à l’homme, ce qui pourrait lui permettre de faire des voyages spatiaux encore impossibles aujourd’hui, tout en échappant à de nombreuses contraintes techniques (comme un stock de nourriture limité). A l’origine, l’équipe poitevine comptait défendre son projet dans le cadre du prestigieux concours scientifique iGEM. Faute de financements -le ticket d’entrée est fixé à 10 000€- et malgré la création d’une association (Tardiguardian), elle a dû jeter l’éponge. Mais une bonne nouvelle a rapidement suivi : leur projet a été intégré à une unité Inserm du CHU de Poitiers, où deux membres (Julian Miletti et Roxane Nseka) effectuent leur stage. « Un mal pour un bien, reconnaît Julie. C’est très gratifiant, ça veut dire qu’on ne marchait pas sur la tête. Et le CHU a du matériel qu’on n’aurait pas pu avoir à la fac. » 
Les premières transplantations devraient débuter le mois prochain. « On aura des résultats dès septembre qui nous permettront alors de valider la faisabilité du sujet. » A suivre.

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