
Hier
Il l’a d’abord écrit « pour [s]es gamins », de 35 et 28 ans, avec une première version d’une quarantaine de pages « histoire de se marrer ». Et puis il s’est amusé à remonter le temps avec d’anciens compagnons de chambrée de l’Amyot d’Inville, ce petit bâtiment de guerre de la Marine française appelé à naviguer sur les eaux du monde à partir du printemps 1976. Jusqu’à accoucher d’une version grand public, à mettre entre -presque- toutes les mains. Dans Atlantic Trip, Patrice Roy parle d’un temps que les moins de 20 (40) ans ne peuvent pas connaître. Et pour cause, le service militaire obligatoire a disparu des radars près de trois décennies plus tard. « Ni militariste ni antimilitariste », le gamin d’Archigny a choisi la Marine plus par opportunité que par envie. « L’Armée de l’air, tout le monde voulait y aller. Et comme je ne me voyais pas me balader avec un fusil dans les bois toutes les nuits... » La Marine s’est presque imposée à lui.
A la table des confessions, le fils d’agriculteurs, dernier d’une fratrie de six, n’élude rien. Ni sa envie initiale de « découvrir le monde », ni ses expériences disons baroques dans tous les quartiers chauds des villes où l’aviso a fait escale. Des bas-fonds de Dakar à Recife, des Caraïbes au bicentenaire des Etats-Unis, le Poitevin s’est offert un voyage initiatique en accéléré comme seule l’armée pouvait en procurer aux fils de France.
« Un voyage léger, divertissant et instructif, qui mêle insouciance, amours libres, et bêtises, un espace de liberté où, à 20 ans, l’herbe est verte et tendre et l’avenir s’annonce radieux. » L’ancien directeur de l’Ecole de guerre Loïc Finaz a eu Atlantic Trip entre les mains et a visiblement apprécié. « Il est aussi écrivain... J’avais 1% de chance qu’il me réponde. Et trois semaines après l’envoi, il m’a rappelé. »
N’allez pas croire pour autant que le Mignalien éprouve la nostalgie du temps qui a passé. Car il a bien profité de sa vie professionnelle, débutée chez un opérateur télécom à installer des faisceaux hertziens entre le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Amérique du Sud, la Malaisie, la Nouvelle-Calédonie... Après ces dix ans d’ouverture sur le monde, la suite fut plus « classique » puisque Patrice Roy est revenu dans le Poitou et a créé la société Géo-RM en 1991. Une PME spécialisée dans les systèmes d’information géographique. « Quelque part, l’esprit d’équipage m’a toujours animé. Devenir chef d’entreprise permet d’embarquer d’autres que soi dans une aventure. » Et sur les mers parfois déchaînées de l’économie, son esquif a navigué pendant vingt-cinq ans avec une belle assurance.
A l’heure de « pantoufler », depuis 2016, l’ancien président du Réseau des professionnels du numérique en Poitou-Charentes n’a pas gambergé longtemps. « Je suis passé de l’activité à la retraite avec une facilité déconcertatante ! » Ses « gamins » partis à Paris et en Australie, le retraité s’est jeté à corps perdu dans d’autres voyages sur les Chemins de Compostelle. Juste après avoir raccroché, Patrice Roy a ainsi rallié Saint-Jacques depuis Mignaloux. Son carburant ? « Les rencontres avec des gens que je ne croiserais jamais dans ma vie. C’est une auberge espagnole, on y trouve ce qu’on y apporte. » Et paradoxalement, le jaquet a découvert qu’il n’y avait « pas que des vieux comme [lui] ». Son bagage linguistique lui permet en outre de discuter de tout en anglais et en espagnol. Mais il préfère de loin « les gens qui racontent ce qu’ils vont faire » plutôt que ceux qui s’épanchent sur leurs hauts faits d’armes. A raison de vingt-cinq bornes par jour, avouez qu’il vaut mieux être bien accompagné...
Du haut de ses 66 ans, Patrice Roy se sent « un privilégié de la vie ». Gamin, ses cinq frères et lui-même ont joui d’une « grande liberté », en dépit du décès prématuré de leur mère. « La seule cassure. Quand on a vécu ça, on relativise... » Adulte, il a tracé sa route sans sourciller, sur une pente ascensionnelle. Et au crépuscule de son existence, le matelot-qui-avait-le-mal-de-mer -un comble !- se rengorge des lectures de Romain Gary, John Steinbeck et autre Sylvain Tesson. « Pas très patient » de nature, le Poitevin a appris à ralentir le temps à sa manière. « A 20 ans, la vie est éternelle, à 60 une bascule s’opère. On comprend que le temps devient fini. » A l’heure d’un ultime coup d’œil dans le rétro, le retraité salue la mémoire de son grand-père, « un modèle » de confiance en l’avenir. Parole d’ancien troufion heureux de son sort !
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mardi 05 juillet