Illettrisme, le combat continue

L’illettrisme toucherait encore 7% de la population française. A Poitiers, l’Alsiv s’active depuis 1986 auprès de toutes les personnes qui souhaitent lire et écrire pour des raisons diverses.

Arnault Varanne

Le7.info

Cuticule. Nom féminin désignant une petite peau très mince recouvrant la matrice des ongles. Il y a quelques semaines, Dounia ignorait jusqu’à l’existence de ce joli mot. A 
23 ans, la jeune femme aimerait devenir prothésiste ongulaire, alors elle met les bouchées doubles pour maîtriser le vocabulaire de son futur métier. « Je suis arrivée fin 2017 en France pour rejoindre ma mère et je ne parlais pas un mot de français, je ne savais ni lire ni écrire. C’était dur. » Sur les conseils de la Mission locale, Dounia a frappé à la porte de l’Alsiv (Accéder à la lecture et aux savoirs indispensables à la vie), à Poitiers. Depuis son siège des Couronneries, l’association forme chaque année environ deux cents personnes, et cela depuis 1986. Jeunes ou seniors, salariés ou retraités, il n’y a pas d’âge pour s’émanciper.

L’illettrisme concerne encore 7% de la population française, une statistique qui ne varie guère. « Les derniers chiffres (de 2011, ndlr) indiquent que 49% des personnes concernées travaillent, remarque Olivia Costantino, chargée de projets illettrisme et illectronisme pour Coraplis. Et on se rend compte que les départements ruraux ont un taux plus élevé. » 
Véritable fléau sociétal, le phénomène s’inscrit « dans des histoires de vie » chaotiques. « Et il faut vraiment être ou acculé ou très bien accompagné pour retourner en formation... »

« On ne peut pas apprendre sans 
estime de soi »

Comme d’autres, l’Aclef à Châtellerault par exemple, l’Alsiv s’efforce de rassurer ses apprenants. A raison de quatre heures par semaine -et jusqu’à neuf-, ces hommes et ces femmes s’éveillent progressivement. 
« Il faut y aller pas à pas car les personnes ont souvent connu une première expérience difficile », explique Marie Guénard. Elle est formatrice-coordinatrice au sein de l’association depuis dix ans. Sa plus grande satisfaction consiste à « voir les gens se déplier, reprendre confiance en eux et gagner en autonomie dans leur vie quotidienne : reconnaître son nom sur la boîte aux lettres, remplir des papiers soi-même... » Les débuts démarrent toujours avec un récit de leur propre histoire, à l’oral, pour ensuite identifier des phrases, des mots, des syllabes, et enfin des sons.

« La lecture et l’écriture vont ensemble », précise la formatrice. Le stock de mots s’enrichit au fil des semaines, des mois et des années. Jusqu’à l’envol ! « Dans notre société, ne pas savoir lire ni écrite conduit à porter un bonnet d’âne. Mais on se rend compte que ces personnes ont beaucoup de potentiel, de vraies ressources. » Olivia Costantino va plus loin et évoque « des stratégies de contournement extraordinaires ». Et un point commun, quel que soit le niveau de maîtrise de la langue : la honte. 
« On ne peut pas apprendre sans estime de soi. » En résumé, la remédiation passe aussi par cette confiance mutuelle entre formateur et apprenant. Diffusé il y a quelques semaines sur TF1, le film Champion décrit par le menu les mécanismes de l’illettrisme, avec Kendji Girac dans le rôle-titre.

Rendez-vous mercredi  
Dans le cadre des Journées de lutte contre l’illettrisme, l’Alsiv organise ce mercredi à la médiathèque François-Mitterrand un temps fort autour de ses actions. Entre 14h et 16h30, Olivia Costantino, chargée de projet, répondra à cette vaste question : « l’illettrisme, qu’est-ce que c’est ? ». Suivront la projection du film L'Illettrisme qu’est-ce qu’on fait ?, puis les témoignages des ambassadeurs de la chaîne des savoirs. A noter que le mercredi 21 septembre, à 18h, l’association invite ses futurs bénévoles (une trentaine aujourd’hui) à une réunion d’information au 9, rue de la Clouère, à Poitiers. Plus d’infos au 05 49 47 87 78 ou par courriel à alsiv86@gmail.com. Site : alsiv.fr.  

 

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