
Hier
Cuticule. Nom féminin désignant une petite peau très mince recouvrant la matrice des ongles. Il y a quelques semaines, Dounia ignorait jusqu’à l’existence de ce joli mot. A 23 ans, la jeune femme aimerait devenir prothésiste ongulaire, alors elle met les bouchées doubles pour maîtriser le vocabulaire de son futur métier. « Je suis arrivée fin 2017 en France pour rejoindre ma mère et je ne parlais pas un mot de français, je ne savais ni lire ni écrire. C’était dur. » Sur les conseils de la Mission locale, Dounia a frappé à la porte de l’Alsiv (Accéder à la lecture et aux savoirs indispensables à la vie), à Poitiers. Depuis son siège des Couronneries, l’association forme chaque année environ deux cents personnes, et cela depuis 1986. Jeunes ou seniors, salariés ou retraités, il n’y a pas d’âge pour s’émanciper.
L’illettrisme concerne encore 7% de la population française, une statistique qui ne varie guère. « Les derniers chiffres (de 2011, ndlr) indiquent que 49% des personnes concernées travaillent, remarque Olivia Costantino, chargée de projets illettrisme et illectronisme pour Coraplis. Et on se rend compte que les départements ruraux ont un taux plus élevé. » Véritable fléau sociétal, le phénomène s’inscrit « dans des histoires de vie » chaotiques. « Et il faut vraiment être ou acculé ou très bien accompagné pour retourner en formation... »
Comme d’autres, l’Aclef à Châtellerault par exemple, l’Alsiv s’efforce de rassurer ses apprenants. A raison de quatre heures par semaine -et jusqu’à neuf-, ces hommes et ces femmes s’éveillent progressivement. « Il faut y aller pas à pas car les personnes ont souvent connu une première expérience difficile », explique Marie Guénard. Elle est formatrice-coordinatrice au sein de l’association depuis dix ans. Sa plus grande satisfaction consiste à « voir les gens se déplier, reprendre confiance en eux et gagner en autonomie dans leur vie quotidienne : reconnaître son nom sur la boîte aux lettres, remplir des papiers soi-même... » Les débuts démarrent toujours avec un récit de leur propre histoire, à l’oral, pour ensuite identifier des phrases, des mots, des syllabes, et enfin des sons.
« La lecture et l’écriture vont ensemble », précise la formatrice. Le stock de mots s’enrichit au fil des semaines, des mois et des années. Jusqu’à l’envol ! « Dans notre société, ne pas savoir lire ni écrite conduit à porter un bonnet d’âne. Mais on se rend compte que ces personnes ont beaucoup de potentiel, de vraies ressources. » Olivia Costantino va plus loin et évoque « des stratégies de contournement extraordinaires ». Et un point commun, quel que soit le niveau de maîtrise de la langue : la honte. « On ne peut pas apprendre sans estime de soi. » En résumé, la remédiation passe aussi par cette confiance mutuelle entre formateur et apprenant. Diffusé il y a quelques semaines sur TF1, le film Champion décrit par le menu les mécanismes de l’illettrisme, avec Kendji Girac dans le rôle-titre.
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samedi 03 mai