Un outil poitevin contre 
l’espionnage conjugal

Des logiciels espions permettent de lire des messages, d’écouter les appels ou de suivre la géolocalisation d’un smartphone. Ils sont de plus en plus utilisés par des conjoints violents. Un chercheur en cybersécurité poitevin a imaginé une solution pour les détecter.

Steve Henot

Le7.info

C’est un phénomène malheureusement en plein essor ces dernières années. Selon une enquête publiée en 2018 par le Centre Hubertine-Auclert, une association féministe, plus d’une femme victime de violence conjugale sur cinq a été surveillée, à distance, par son conjoint ou ex-conjoint. Notamment via un mouchard installé sur son smartphone, épiant ses appels, ses messages et ses déplacements. « Ces stalkerwares (logiciels espions en anglais, ndlr) peuvent être achetés pour quelques dizaines d’euros en tapant une simple recherche sur Google, explique Félix Aimé. C’est une véritable industrie. » 


Expert en sécurité informatique, le Poitevin a constaté qu’il n’existait pas encore d’outil simple d’usage capable de détecter rapidement la présence de ces logiciels malveillants sur le téléphone des victimes. C’est pourquoi il a développé une solution, baptisée TinyCheck. Cette application génère un réseau Wi-Fi temporaire auquel se connecte le smartphone à analyser. Toute l’activité du téléphone passant par Internet est alors examinée par le dispositif, à la recherche de traces laissées par les stalkerwares. S’il détecte un logiciel connu ou une anomalie, l’écran vire au rouge « Analyser un téléphone est très complexe car on ne sait pas précisément ce que l’on cherche », précise Félix Aimé. Ici, l’opération ne prend que quelques minutes.


Utilisé par 
le parquet de Paris

TinyCheck ne sert qu’à détecter les logiciels espions, pas à les neutraliser. « L’idée était de faire un outil passif pour que l’agresseur ne soit pas alerté de la démarche. » Le dispositif a néanmoins convaincu les autorités. Le parquet de Paris l’utilise sous la forme de tablettes tactiles, dans le cas de certaines procédures de violences conjugales. Si un 
stalkerware est signalé, un rapport peut être exporté et joint à un dépôt de plainte ou à un dossier déjà ouvert. Un déploiement est espéré dans certains commissariats et dans des associations de lutte contre les violences conjugales. Des tests seront bientôt réalisés dans plusieurs brigades de gendarmerie de France. 
« Cet outil intéresse aussi d’autres partenaires internationaux », confie Félix Aimé.


S’il a cédé la marque TinyCheck à son ancien employeur, l’expert continue de développer son outil -en source ouverte- sur son temps personnel. Il prévoit d’en sortir une nouvelle version, « plus 
sophistiquée et plus stable » très prochainement. Il n’a pas encore rencontré de logiciel capable d’éviter TinyCheck, mais Félix Aimé se refuse à parler de solution miracle. « Les outils numériques ne sont pas l’unique moyen de surveiller un individu. Cela ne doit pas faire oublier les autres menaces. » Sans accord du conjoint surveillé, la loi du 20 juillet 2020 sanctionne le recours à des logiciels espions de peines pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et 
60 000€ d’amende.


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