Ceinture verte cherche eau et argent

Les Poitevins sont appelés à entrer au capital de la Ceinture verte. Ce projet de Grand Poitiers vise à faciliter l’installation de maraîchers afin de relocaliser la production de légumes sur le territoire. Mais avant cela, il va devoir surmonter plusieurs obstacles.

Romain Mudrak

Le7.info

Relocaliser sur le territoire la majeure partie de la production en légumes nécessaire à la population. C’est l’ambition de la Ceinture verte. Ce projet initié par Grand Poitiers reprend un modèle déjà déployé dans six autres lieux en France. Il vise à faciliter par tous les moyens l’installation de maraîchers sur l’agglomération et ses alentours. « Il faut voir cela comme une pépinière, souligne Fredy Poirier, vice-président en charge de l’Agriculture. On ne sait pas encore précisément quels légumes nous manquent, mais nous avons besoin de 2 000ha et nous n’en avons que 900 pour l’instant. »

Un premier terrain de 10ha a été identifié à la sortie de la ville, route de Parthenay, au milieu de la Zone d’activités économiques Aliénor-d’Aquitaine. Cette parcelle sera divisée en trois terrains qui seront loués à autant de maraîchers indépendants. Ces derniers disposeront d’équipements mutualisés, financés par la Ceinture verte : 3 000m2 de serres, un bâtiment de stockage, un système d’irrigation… Les candidatures sont ouvertes. Mais avant d’accueillir les premiers fermiers, au début de l’année 2024 si tout va bien, les porteurs du projet poitevin vont devoir assurer l’approvisionnement en deux ressources majeures : l’eau et l’argent.

Poitevins coopérateurs

La semaine dernière, Grand Poitiers a appelé les citoyens à entrer au capital de la future société coopérative d’intérêt collectif (Scic). Une prise de participation possible à partir de 100€ ouvrant droit à un abattement fiscal de 25%(*). L’objectif ? Rassembler 
200 000€ pour réaliser les premiers investissements et 
« rassurer les banques ». La communauté urbaine et ses partenaires ont déjà réuni la moitié. Mais le préfet de la Vienne a récemment dénoncé la subvention de 30 000€ octroyée par la Ville de Poitiers. De quoi freiner la dynamique ? 
La question sera tranchée par le juge administratif. « Ailleurs en France, des restaurateurs et des grandes surfaces ont pris des parts », note Elodie Blanchard, représentante du réseau national.

Autre enjeu, l’accès à l’eau n’est pas encore assuré sur la parcelle concernée. La Vienne est vouée à connaître des sécheresses récurrentes. Or, l’Organisme de gestion de la ressource en eau dans le bassin du Clain (OUGC) a rejeté la demande formulée par la collectivité pour le pompage de 20 000m3 d’eau entre avril et octobre en période d’étiage. 
« Cet avis nous amène à réfléchir à d’autres solutions, concède Fredy Poirier. Des volumes hivernaux sont potentiellement disponibles. Ce n’est pas tout ou rien. On pourrait imaginer des petites retenues individuelles pour compléter si besoin, qui n’auraient rien à voir avec les méga-bassines. »

Au-delà de ces obstacles, le concept de Ceinture verte apparaît viable sur les autres territoires qui l’ont déjà adopté. Avec de beaux parcours à la clé, à l’image de Loïs dans le Béarn ou Hugo dans le Limousin.

(*)Plus d’infos sur la levée de fonds : laceintureverte.fr/centre-vienne

 

Dans la Haute-Vienne
Hugo : « Du bon matériel dès le départ »

En Haute-Vienne, Hugo Prud’hommes, 31 ans, est le premier et pour l’instant l’unique maraîcher installé sur une parcelle de la Ceinture verte. Il a démarré en juillet dernier sur deux hectares de terre située à Isles près de Limoges. « C’était moins risqué que de me lancer tout seul, j’ai pu bénéficier de bon matériel dès le départ sans trop m’endetter. » Soit au total environ 150 000€ de serres, bâtiment de stockage, station de lavage... Lui a investi 60 000€ dans un tracteur, un utilitaire et divers « consommables ». En plus, il a profité d’aides à l’installation. Choux, poireaux, courges, roquette, betteraves, navets, épinards... Sa première production d’automne a été plutôt variée. « Je n’ai pas d’obligation particulière, je suis un maraîcher comme un autre. » Hugo doit juste respecter les règles du bio et des circuits courts, évidemment. S’il ne se verse pas encore de salaire régulier, le trentenaire reste serein.

Dans le Béarn
Loïs : « On m’aide à prendre du recul »

La Ceinture verte du Béarn compte déjà six fermes et neuf maraîchers. De quoi permettre à Loïs, installé depuis avril 2022 sur deux hectares à Danguin, de se créer un premier réseau très important. « On discute beaucoup entre nous. L’accompagnement technique de l’équipe de la Ceinture verte m’a aussi beaucoup plu. Et puis je suis en relation avec un tuteur maraîcher de la région. Tous ces gens m’aident à prendre du recul quand je crois que je vais tout rater. » L’équipement mis à disposition lui a facilité la vie. « Je n’ai pas eu à gérer les travaux en même temps que la production. » Comme tous les autres, il doit payer une cotisation progressive qui atteindra 750€ par mois la quatrième an- née, dont 150€ donnent accès à des parts sociales. « Evidemment c’est cher, mais le service est de qualité et on récupère un pécule si on part. »

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