Pour communiquer auprès du grand public, les chercheurs poitevins utilisent la bande dessinée. Une façon de vulgariser sans dénaturer des thèmes complexes. Ils sont bien entourés.
Trente-six laboratoires,
neuf illustrateurs, 184 pages… Le service de valorisation de la recherche de l’université de Poitiers s’est lancé un drôle de défi : publier une bande dessinée pour expliquer les travaux menés actuellement par les chercheurs de l’établissement. « Ce document sera tiré à
5 000 exemplaires mais ne sera pas vendu, précise Anaïs Leroux, responsable du service sciences et société. Il sera distribué dans les collèges, lycées de l’académie et les autres universités. Les laboratoires disposeront des extraits les concernant pour communiquer et les planches seront traduites en anglais. »
L’opération baptisée « Bande de labos » est estimée à
150 000€ mais elle apparaît incontournable aux chercheurs poitevins qui, comme les autres, ont le devoir désormais de s’adresser au grand public. Et pour cela, la BD a des atouts. « Elle permet de réaliser un effort de communication et de synthèse important pour nous adapter à un public très large »,
note Frédéric Chauveau. Il pilote depuis 2020 le premier Réseau régional de recherche dédié à la bande dessinée, dont l’un des axes s’intéresse justement au rapport à la lecture, à la compréhension et aux interactions. Les exemples se multiplient partout en France. Récemment, les travaux du neurobiologiste poitevin Luc Pellerin ont été croqués en six planches. Ou comment le lactate peut contribuer à soigner des lésions du cerveau (Le 7 n°549). On y voit un neurone chevelu s’approvisionner au bar des astrocytes. Bien vu ! Les connaisseurs comprendront.
« J’ai réappris à écrire »
Certaines universités enseignent même à leurs doctorants d'être capables de représenter leur thème de recherche en quelques planches. « Cette expérience m’a réappris à écrire simplement car, vous le savez, les universitaires sont formatés pour produire un certain type de publication », a admis Blaise Pichon, maître de conférences en histoire à l’université Clermont-Auvergne, lors des journées nationales BD et enseignement supérieur qui se sont déroulées la semaine dernière à Poitiers. A cette occasion, une autre spécialiste, Laurence Bordenave, présidente de Stimuli, a rappelé toute la difficulté de « trouver des compromis entre le corpus d’informations souvent trop important présenté par le chercheur et l’illustrateur qui n’est pas toujours un expert du sujet ».
D’autant qu’ils n’ont pas forcément le même langage. La solution ? Faire appel à un médiateur scientifique. Le travail collaboratif entre ces trois personnes permet d’aboutir plus facilement à un scénario qui tient la route. C’est le choix qui a été fait par l’équipe de Bande de labos. Depuis plusieurs mois, le rôle d’intermédiaire est joué par Grace Akrong,
« Les illustrateurs ont choisi leur thème de prédilection et ils ont pu venir en immersion dans les laboratoires où un référent a été nommé », souligne la médiatrice. La sortie de cette BD est prévue pour le premier trimestre 2024 et il contiendra des infos insolites… parce que tout le monde aime ça !