Luis Da Silva dans les filets du foot

Luis Da Silva. 53 ans. Homme à tout-faire du club de football des Portugais de Châtellerault, un demi-siècle au compteur. Affable, l’ancien joueur a un sens de la famille à toute épreuve, au point de lui avoir fait renoncer à une carrière plus prestigieuse. Signe particulier : ne transige pas avec ses valeurs.

Arnault Varanne

Le7.info

Ce jour-là, il porte un maillot du Portugal, mais ç’aurait pu être ceux du Sporting ou du FC Porto. Luis Da Silva cultive l’éclectisme en matière de supporterisme, même s’il concède en France avoir un faible pour Marseille. Au siège des Portugais de Châtellerault, le club de foot demi-centenaire, cette double culture et ce souci permanent de rassembler s’affichent jusque sur les murs où les drapeaux tricolore et lusitanien tiennent une place identique. Lili, comme ses proches l’appellent, tient le rôle central d’une saga familiale au long cours. Ses frangins Francis et François occupent les postes de président et secrétaire. Et son troisième frère Tonio a été le premier à débarquer aux Portugais. Il a montré la voie en quelque sorte. Les plus fervents supporters du SOC se souviennent sans doute du petit milieu de terrain élégant, auteur de quelques buts sous le maillot rouge et blanc. « J’ai joué au SOC six saisons en troisième division, beaucoup comme remplaçant. Et je me souviens de quelques voyages ! »

Son père, ce héros

L’homme à tout faire des Portugais de Châtellerault aurait-il pu évoluer plus haut ? Le gamin d’Antoigné, première licence à 12 ans, a eu des approches du voisin poitevin, mais sa fidélité au Châtelleraudais l’a emporté. Des décennies plus tard, les regrets affleurent, mais chez les Da Silva, c’est « la famille d’abord ». Lili est le quatrième d’une fratrie de six -quatre garçons, deux filles-, fils d’un immigré portugais ayant fui la dictature de Salazar, et aussi sa condition sociale. « Papa est venu clandestinement en France et maman l’a rejoint cinq-six ans plus tard. » D’abord ouvrier dans une entreprise agricole, puis aux caves d’Antoigné, le paternel fait bouillir la marmite chichement. 
« Ce que je retiens, c’est qu’il a été bien accueilli... » Et qu’il a gardé de solides racines là-bas, du côté de Braga, à Póvoa de Lanhoso très précisément. La maison familiale a été vendue il y a quelques années mais les liens perdurent. Fin juin, comme en pèlerinage, l’ex-joueur devenu entraîneur, éducateur, puis dirigeant depuis trente ans, et une vingtaine de membres du club séjourneront à proximité. Une façon de resserrer les liens dans une institution devenue très cosmopolite. 


Cette institution aux cinquante bougies, Luis l’a façonnée à son image. Dans le respect des règles élémentaires reçues en héritage. On dit bonjour en arrivant, merci en repartant et, accessoirement, on laisse sa mauvaise humeur au vestiaire. « On donne aux gamins qui viennent ici l’occasion de passer un bon moment. Au début, les parents les déposaient et repartaient. Aujourd’hui, ils les accompagnent en déplacement. Combien de fois, faute de bénévoles, on a dû déclarer forfait, avec des mômes en larmes... » Ce temps-là est révolu avenue Stendhal, où Luis passe l’essentiel de son temps à veiller sur les 
210 licenciés. Les Portugais ont aussi réussi à former des arbitres, ont passé quelques tours de Coupe de France, servent encore de réservoir au grand frère châtelleraudais, réussissent à maintenir leur équipe seniors en Régionale 3. 
Une grande famille ? « Oui, c’est ça. Et j’en suis fier. »


« Un peu râleur »

Le membre fidèle de la commission technique du District de la Vienne fêtera l’an prochain ses décennies au club. Et franchement, il faudrait un séisme pour qu’il décampe. A moins que... « Ce qui pourrait me faire partir, ce sont mes enfants... » 
Hugo, 20 ans, évolue au Stade poitevin, en National 3. Quant à Pablo, même pas 13 ans, il a déjà été repéré par plusieurs écuries professionnelles. Pas de quoi faire tourner la tête de Luis et de sa « petite femme ». « Il faut rester humble, ce n’est pas l’argent qui te fait avancer dans la vie... », répète-t-il à l’envi. On a en général ce qu’on mérite. » 
L’éducateur sportif a bossé pendant quatorze ans dans un foyer éducatif de l’Adsea 86 et a côtoyé des gamins dans la difficulté. Il sait donc mieux que quiconque la fragilité de l’existence, les destins contrariés et, par ricochet, le bonheur d’une famille unie. A commencer par la sienne ! A la simple évocation de la disparition de sa mère, en 2017, ses yeux rougissent et sa gorge se noue. « On était à Oyré, sur le terrain, quand papa a appelé un vendredi soir... » 
La suite se devine aisément. 
« J’étais très proche d’elle », 
ajoute-t-il sobrement. Ainsi 
va Luis Da Silva, un peu « râleur, sûr de [lui] », 
mais très attachant et, surtout, 
« pas rancunier ». Un fou de foot comme on n’en fait plus dans un monde qui ne tourne plus très rond.

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