Le jardin en mouvement

Le Regard de la semaine est signé Dominique Truco.

Le7.info

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Château de Chambord. Dimanche 9 juillet 2023, 20h. Le public est orienté non vers une friche, mais vers les bosquets de merisiers du jardin à la française et prend place dans un parterre circulaire de chaises, au carrefour de quatre allées. En son centre, Claire Gibault, cheffe du Mozart Paris Orchestra, commanditaire de cette pièce, à sa droite la récitante Suliane Brahim, de la Comédie Française, bientôt rejointes par Alexandra Grimal, la libre compositrice du mélologue Le jardin en mouvement créé ce soir. Sous les ramures, trente instrumentistes viennent border la circonférence de ce parterre humain d’où le percussionniste fera pousser une forêt et tomber la pluie. Ensemble, nous sommes l’enclos, la faune et la flore.

Pendant trente-cinq minutes, se jouent d’étonnants échanges entre les êtres vivants mis en présence. 
« Nous sommes en septembre et l’herbe reverdit... » 
Tout au long du récit réaliste foisonnant de sensations sonores inattendues, notre imagination accompagne le jardinier dans sa méthode : 
« observer avant d’agir », 
« faire le plus possible avec la nature, le moins possible contre ». De la semaison des graines, des premières levées de dormances aux floraisons sonores, nous assistons à une saisissante première : la célébration de « la pensée visionnaire » de Gilles Clément -dans l’interprétation même de son Jardin en mouvement expérimenté depuis 1977 à la Vallée dans la Creuse- par un orchestre symphonique. Inouï.

Sur les pupitres, l’écriture en mouvement d’Alexandra Grimal : partitions graphiques et cartes précises de caractères des 130 plantes du jardin clémentesque. Pionniers ou vagabonds, les musiciens aux instruments préparés incarnent espèces annuelles, bisanuelles, vivaces.

« Échappant à toute hiérarchie et immergés dans un processus d’écoute global actif », les musiciens-Coquelicot-Vesce-des-champs-Bourache-Sauge-Digitale-Molène-Euphorbe-Gunnera-Grande Berce du Caucase, etc. architecturent et fécondent une diversité de langages musicaux en l’espace du jardin.

« Et si la musique permettait de mettre en relief ce qui est invisible, sculptant de façon infiniment subtile les forces des musiciens en présence ? », suggère la compositrice en rêvant d’une version de 8 heures du Jardin en mouvement à inventer pour trois orchestres, symphonique, d’improvisateurs, de musique contemporaine. Oui, chante au final la nuée d’oiseaux-appeaux non grégaires en gloire !


CV express
Relier art, écologie et poétique du vivant dans la proximité du quotidien aux côtés d’artistes éveilleurs œuvrant aux croisements d’enjeux vitaux sur une planète en feu... C’est à cela que je me livre entre 1987 et 2020 par l’organisation d’expositions au Confort moderne, à la galerie Louise-Michel à Poitiers, ou encore à la direction de la Biennale de Melle créée et dirigée entre 2003 et 2015. Aujourd’hui autrice et photographe émergente. Paru Le vivant unique continent.

J'aime : la liberté, la confiance, le génie naturel des plantes, l’imagination qui étend la mesure du possible, celles et ceux qui se lèvent, contemplent et soulèvent terre et ciel.

J’aime pas : l’ensemble de ce qui nuit à l’existence du vivant humain ou non humain.

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