Qualité de l’eau : l’impossible équation

Eaux de Vienne a obtenu une dérogation de l’Agence régionale de santé pour continuer à distribuer de l’eau contenant de faibles quantités de chlorothalonil. Jusqu’à quand et, surtout, à quel prix ? Le syndicat s’interroge, voire s’agace.

Arnault Varanne

Le7.info

Rémi Coopman le dit sans filtre : « Il n’existe aujourd’hui aucune solution satisfaisante et économiquement viable pour traiter le métabolite du chlorothalonil. » Ces résidus de fongicide sont sous étroite surveillance depuis le printemps 2023 et la révélation par l’Anses(1) de leur présence dans l’essentiel des nappes phréatiques du pays. Dont celles de la Vienne donc. Dans le département, Eaux de Vienne -comme Grand Poitiers- a demandé et obtenu auprès de l’Agence régionale de santé une autorisation pour pouvoir continuer de distribuer des eaux dont la teneur en métabolite est comprise entre 0,10 et 3µg par litre. Avec des taux à ne pas dépasser par territoire ! L’arrêté préfectoral devrait être publié prochainement après avoir été validé par le Coderst (Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques), le 7 septembre dernier.

Si le président d’Eaux de Vienne se montre agacé, c’est qu’il estime que les autorités sanitaires ne se projettent pas assez. « Il est hors de question que nos abonnés soient victimes deux fois : consommer une eau de qualité qui n'est pas optimale tout en supportant la potentielle future charge financière du traitement de l'eau... » De fait, les solutions de court terme utilisées jusque-là (arrêt de forages dans le secteur de Cuhon, interconnexion des réseaux, charbon actif dans le secteur de Saint-Genest-d’Ambière...) coûtent chères, très chères. Le rechargement en charbon actif de trois unités de distribution coûtera 900 000€ en 2024, 18M€ s’il faut équiper les 
61 unités. « Cela revient à augmenter de 30% le prix du m3. C’est insupportable et incohérent », 
martèle Rémi Coopman.

Qualité et quantité

Dans la problématique du chlorothalonil, la Vienne fait figure, à son corps défendant, de « poisson pilote ». 
« Nous sommes en avance de quelques mois sur d’autres départements », convient Yves Kocher, directeur général du syndicat. D’où, dans l’attente de nouveaux seuils fixés par l’Anses (en 2024), la création d’une direction Recherche, innovation et développement, le lancement d’une réflexion stratégique sur la ressource en eau, la recherche de nouveaux forages, de solutions de traitement... Car ce problème de qualité ne devrait faire que s’accentuer dans les années à venir. Un rapport du Sénat consacré à la gestion durable de l’eau parle d’une production de produits chimiques multipliée par 
cinquante depuis les années 50 et d’un triplement possible d’ici à 2050. A cette hypothèse alarmiste sur le front de la qualité s’ajoute un problème de quantité. Le niveau des nappes est historiquement bas et le réchauffement climatique ne laisse d’inquiéter. Il a plu 40% de moins en juillet-août 2023 qu’en période normale.

(1)Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

(2)Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques.

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