Conduite sous médicaments, un risque sous-estimé

Loin derrière les dangers que représentent la vitesse ou la conduite sous stupéfiants, la prise de médicaments n’est pourtant pas anodine dans les accidents de la route. Les professionnels de santé appellent à plus de prévention.

Eva Proust

Le7.info

Malgré les risques, beaucoup de Français conduisent sous l’effet de médicaments susceptibles d’entraîner des troubles de la vigilance. C’est le cas de certains des plus prescrits dans le traitement des troubles psychiques tels que les somnifères, les antidépresseurs ou les anxiolytiques (benzodiazépine), mais aussi des antihistaminiques, antidiabétiques et parfois anti-inflammatoires… Au total, près de 40% des médicaments vendus en France présentent un pictogramme de vigilance, allant du niveau 1 « soyez prudent » au niveau 3 « ne pas conduire » (5% des médicaments vendus). Une mise en garde trop peu respectée… au risque et péril des patients.

« On ne peut pas interdire de conduire »

En 2016, la Sécurité routière imputait 3% des accidents de la route à un défaut de vigilance causé par la prise de médicaments. Au même moment, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière relevait que l’arrivée des pictogrammes sur les boîtes n’avait pas diminué le taux d’accidents et que la sensibilisation des prescripteurs comme des patients « devait être améliorée ». Un regret pour Jean-Louis Boenisch, délégué de la Vienne de la Ligue contre la violence routière. « Les fabricants de médicaments mettent ces pictogrammes, mais rien n’impose de les respecter. » Un constat partagé par le Dr Marie-Christine Perault-Ponchat, responsable en pharmacologie clinique et vigilances au CHU de Poitiers. « L’effet d’un médicament dépend de la sensibilité interindividuelle. Une personne peut bien résister à un médicament classé niveau 3,
là où une autre va avoir de forts symptômes à la première prise. On ne peut pas interdire de conduire à chaque prescription. »

En cas de pathologies induisant un risque, telles que l’épilepsie, l’insuffisance cardiaque ou la narcolepsie, c’est au médecin neurologue de déterminer la capacité à conduire de son patient. Si le péril est avéré, l’arrêt de la conduite est imposé par le médecin de la préfecture, qui pourra lever l’interdiction après un nouvel examen.

Manque de statistiques sur l’accidentologie

Malgré la connaissance des risques, les statistiques sont maigres sur l’accidentologie causée par la prise de médicaments. Aucune étude récente ne se penche sur ces chiffres. « Il n’existe pas de mesure d’impact pour savoir à quel point la prévention fonctionne ou non, poursuit le Dr Perault-Ponchat. Le prélèvement sanguin n’est pas systématique après un accident, surtout s’il n’est que matériel. »

Reste le volet prévention, que les professionnels de santé comme de la route invitent à renforcer. En ce sens, le syndicat MG France indique que c’est au prescripteur d’alerter sur les risques des médicaments et de conseiller sur leur posologie.
« Tous les médecins ne font pas un rappel des risques en prescrivant des médicaments, reconnaît la responsable du CHU de Poitiers. Sur le modèle du Mois sans tabac, pourquoi ne pas faire un Mois de la prévention routière, avec une partie sur la conduite sous médicaments ? » Une prévention qui passe par des réflexes simples : bien lire la notice, ne pas prendre le volant ou s’arrêter aux premiers signes de fatigue, alerter son médecin en cas de symptômes. Des traitements alternatifs moins risqués peuvent exister.

À lire aussi ...