Jean-Luc Fourré : 
« Il faut être imaginatif »

Longtemps cantonnée aux métiers dits en tension, la question du recrutement s’est aujourd’hui généralisée à de nombreux secteurs. Analyse avec Jean-Luc Fourré, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines de Poitou-Charentes.

Claire Brugier

Le7.info

En 2022, 94% des PME ont peiné à recruter de bons profils. Les problèmes de recrutement se généralisent. Comment l’expliquer ?
« Il y a une explication démographique. Dans les emplois industriels par exemple, 60 à 70% des salariés vont partir en retraite sous dix ans et le taux de remplacement n’est pas suffisant. Plus généralement, le taux de chômage baisse. Certains considèrent qu’à 5% on est au plein-emploi, moi pas. Mais cela tend le monde du travail et inverse le rapport de force en matière de recrutement. Il y a quelques années, on avait dix candidats pour un poste, aujourd’hui on a un candidat pour dix postes. »

Est-ce évitable dans ce contexte ?
« Il faut être imaginatif. Les experts démographiques le disent : l’une des solutions pour maintenir l’emploi industriel en France est l’immigration (cf. p.20), qui sera la variable d’ajustement. Il faut aussi adapter le management et amener l’entreprise vers plus de souplesse, pour correspondre aux attentes des candidats. Il n’y a pas que le télétravail mais aussi les salaires, le style de management, l’ambiance, et cela peut-être même avant la notion de RSE. » 


Ne doit-on pas revoir les méthodes de recrutement elles-mêmes ?
« Beaucoup d’entreprises recrutent sur un schéma préconçu, avec des a priori sur le diplôme, la tranche d’âge… Or aujourd’hui le monde du travail se complexifie. Les entreprises qui auront pris de l’avance sur les autres seront celles qui auront ouvert les vannes sur le savoir-être, les simulations… Il ne faut plus chercher le clone de ce qu’on a connu. »

Aujourd’hui, se pose aussi la question de la fidélisation…
« Actuellement, avec un marché de l’emploi volatile, quelqu’un qui veut changer d’emploi le peut. L’enjeu pour les entreprises est d’avoir un maximum de leur effectif qui ne veut pas voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Cela passe par de la communication, des méthodes de management... Il faut réfléchir sur la qualité de vie au travail par tous les moyens (accords télétravail, flexibilité, jours pour travailler sur le bénévolat…). »

Ce contexte modifie-t-il les métiers des ressources humaines ?
« Non car les ressources humaines ont toujours consisté à faire en sorte que les personnes soient au mieux. Mais il y a un changement de mentalité collective et, au sein de leurs organisations, les Ressources humaines ont plus d’impact pour faire comprendre que le management à la dure d’il y a cinquante ans n’a plus lieu d’être. Lorsque j’ai débuté ma carrière, en chefs du personnel on cherchait des profils d’anciens militaires… »

Où en est-on selon vous 
de cette mutation du monde du travail ?
« Au début. Chaque organisation a sa façon de travailler, chaque secteur ses propres codes. Dans les secteurs où le télétravail n’est pas jouable, sauf dans des fonctions support, on note déjà une évolution par rapport à l’appétences des candidats, avec des salons de coiffure qui arrêtent de travailler le week-end, un jour de fermeture dans l’hôtellerie-restauration... Dans les transports, on a évolué dans l’approche des candidats pour attirer des personnes qui n’entraient pas dans le profil-type d’il y a vingt ans, des femmes notamment, car les métiers ont su s’adapter, former, accompagner… Il est important d’être à l’écoute des attentes des salariés tout en gardant son identité. »

À lire aussi ...