La forte mobilisation des agriculteurs a mis en lumière le problème des conditions de rémunération. Cédric Chavigneau, éleveur laitier dans le Sud-Vienne, dévoile les chiffres derrière le métier.
Eleveur laitier à La Chapelle-
Bâton, dans le Sud-Vienne, Cédric Chavigneau partage la direction de son exploitation avec un associé depuis 2016. Ce père de deux jeunes enfants de 6 ans et
22 mois a fait partie des agriculteurs mobilisés sur les barrages de la Vienne. « Notre lait est destiné à faire du beurre. On le vend à une coopérative laitière, Terra Lacta, et depuis septembre on fait de l’AOP avec Charente-Poitou », explique l’agriculteur. Confronté à une baisse du prix du lait de 425€ à 415€ pour 1 000 litres, le patron a du mal à s’en sortir.
« On travaille à l’aveugle. J’ai le prix du lait en fin de mois pour le mois suivant. C’est donc très compliqué pour s’organiser et on doit sans arrêt rallonger nos mensualités de crédits, ce n’est pas vivable. » Éleveur de 150 vaches pour une référence laitière de 1,2 million de litres à produire, Cédric Chavigneau aimerait avoir « un peu de transparence sur le prix ».
« Le prix de base du lait est de 0,41€ et on rajoute la prime AOP de 30€, mais quand on voit le prix du beurre en magasin, on se demande où va le reste de cet argent. »
Des charges
qui explosent
« Toutes nos charges ont augmenté, déplore l’éleveur. On fait face à une hausse de 200% lorsqu’on additionne l’électricité, l’engrais et les aliments. »
L’électricité, qui augmente considérablement depuis plusieurs mois, est l’une des charges les plus importantes. Soumis jusqu’à récemment au tarif jaune, non réglementé, les associés déboursaient des sommes colossales. « On payait 0,50€/kWh au lieu des 0,05€ actuels. Nous avions donc des factures d’électricité mensuelles qui atteignaient les 4 000€. Aujourd’hui, on a trouvé un contrat avec un groupe d’irrigants, donc on est revenus à 0,05€/kWh mais on vit dans l’inconnu. Est-ce qu’en 2025 on arrivera à trouver un contrat aussi intéressant ? » Parmi les différentes charges, le poste de dépenses le plus important reste celui de l’alimentation des animaux avec des factures mensuelles pouvant atteindre 15 000€. « Ce sont des dépenses qui sont devenues trop importantes et si on les additionne, on ne peut plus. A la fin du mois, les bénéfices du lait servent à payer les charges. »
Actuellement, comme beaucoup de ses confrères, l’agriculteur survit grâce au cercle vicieux des crédits et des aides. « Une enveloppe de 25 000€ a été débloquée mais il faut attendre septembre, donc emprunter et payer les intérêts », déplore Cédric Chavigneau qui doit déjà rembourser 600€ de crédit par mois pour ses parts sociales. Le trésorier de la FNSEA 86 attend notamment une fixation de prix rémunérateurs pour vivre des productions. « Si notre litre de lait était payé au moins 0,80€, on n’aurait pas besoin des aides. » Le patron de l’exploitation est contraint de s’attribuer un revenu moins élevé que celui de son salarié.
« On essaie de se verser 1 600€ mensuels avec mon associé, mais une fois déduits les 600€ de crédit je tourne autour de 1 000€. Mon épouse, elle, a perdu son emploi et touche 900€ de chômage. Avec deux enfants et l’électricité qui augmente, on n’a plus de loisir. » Pris dans un véritable étau, l’agriculteur regrette le temps où il était salarié :
« Si c’était à refaire, je ne pense pas que je recommencerais. »