Dans le Centre de ressources génétiques fraîchement rénové de l’Inrae de Lusignan, les plantes fourragères de France et d’Europe sont collectées, étudiées, croisées pour faire face aux défis de demain, notamment le réchauffement climatique.
Sur le site de l’Inrae(*) de Lusignan, le bâtiment ne se distingue pas vraiment des autres, un peu plus blanc peut-être. Mais derrière les murs datant des années 1960, le Centre de ressources génétiques vient de connaître une véritable cure de jouvence, à hauteur de
822 000€ financés par le Fonds européen de développement régional (60%) et l’Inrae. Nom de projet : « Ressources Prairies 2030 ». L’intitulé à lui seul dit toute l’importance et l’ambition de l’Unité de recherche pluridisciplinaire Prairies et Plantes fourragères (UR P3F) dont il dépend. « Nos collections représentent toute la diversité française et européenne en matière de plantes fourragères », résume Abraham Escobar Gutiérrez, le président du centre Inrae Nouvelle-Aquitaine-Poitiers. Au fil des ans, elles ne cessent de s’enrichir de nouvelles variétés. Dans le jargon agronomique, on parle d’« accessions ». Le Centre de ressources génétiques en abrite plus d’un millier, qui couvrent les principales espèces cultivées dans les prairies temporaires : dactyle, ray-grass-anglais, fétuque élevée, luzerne ou encore trèfles blanc et violet. Pourquoi conserver une telle diversité génétique ? « Pour créer de nouvelles variétés », répond Jean-Paul Sampoux, l’ingénieur et responsable scientifique du centre, à la tête d’une petite équipe composée d’une assistante et d’une technicienne. Selon le chercheur, l’un des enjeux n'est autre que « l’adaptation au changement climatique ».
Face au réchauffement climatique
« Les années où les étés sont stressants, les dégâts sur les pairies sont importants, ce qui implique de sur-semer voire de re-semer, constate Jean-Paul Sampoux. Nous travaillons à l’amélioration des plantes classiques par des croisements naturels, à partir de populations dont 80% sont collectées dans des prairies naturelles en France, mais aussi en Espagne, au Portugal et en Afrique du nord. » A Lusignan, les plantes sont battues, les graines triées, séchées, broyées et leurs qualités analysées. « Les espèces fourragères que l’on trouve dans les milieux méditerranéens produisent moins, on essaie donc de trouver des solutions pour transcender ce problème, en travaillant notamment sur les prairies multi-spécifiques. En semant quatre ou cinq espèces complémentaires, on pondère le risque. De plus, le mélange d’espèces réduit les problèmes de maladie, d’insectes ravageurs… » Il semblerait donc qu’entre les murs discrets du Centre de ressources génétiques fraîchement rénové se joue une partie de l’avenir du monde vivant. « C’est un maillon indispensable dans la préservation et la caractérisation des espèces, assène Philippe Barre, directeur de recherche de l’UR P3F. Les plantes fourragères constituent non seulement une alimentation peu coûteuse pour les animaux, mais elles impactent aussi le stockage de carbone, la préservation de la biodiversité, la qualité de l’eau… »
(*)Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.