Alban Cerisier, Petit Prince de l'édition

Alban Cerisier. 53 ans. Poitevin d’origine. Secrétaire général des éditions Gallimard (entre autres), à Paris. Mémoire vivante de Saint-Exupéry. Souhaite diffuser au maximum son goût pour la culture.

Charlotte Cresson

Le7.info

Il préfère prévenir, sa vie n’est « pas un conte de fée » ou une histoire tragique. A l’écouter, Alban Cerisier n’a pas eu une enfance difficile ni à se battre contre un destin tout tracé. Modeste, oui. Peut-être un peu trop. Car le secrétaire général des éditions Gallimard peut en inspirer plus d’un, et notamment les Poitevins. Très attaché à sa ville natale, Alban met un point d’honneur à y revenir régulièrement. D’abord parce que sa maman, Jeannine, y vit toujours (son père est décédé il y a deux ans), mais aussi car il se sent « redevable ». « Je suis un enfant de Poitiers, je le revendique avec fierté. C’est ici que j’ai appris à aimer lire. » 
Le lycée des Feuillants, la bibliothèque, la prépa littéraire de Camille-Guérin… Les lieux de son adolescence ont en effet forgé son appétence pour les grands textes. 


« Le scénario idéal »

Mais il a « fallu » quitter Poitiers. Direction la prestigieuse Ecole des Chartes, à Paris. 
« Autre lieu, autre ambiance » 
mais toujours des « profs assez exceptionnels ». L’étudiant travaille d’arrache-pied (et ne cessera d’ailleurs jamais vraiment). L’école, qui prépare aux métiers de la conservation, est « très formatrice » et lui permet d’accéder aux archives. Le passionné d’histoire est comblé. Les rencontres se multiplient, tout comme les expériences. « A l’époque, les étudiants étaient dispensés de service militaire mais devaient, en contrepartie, exercer un moment dans l’administration. C’est comme ça que je me suis retrouvé aux archives du ministère des Outre-mer. » Puis le destin frappe à sa porte. Après un stage de fin d’études chez Gallimard, Alban Cerisier intègre directement 
ce « temple de la littérature du XXe siècle »… sans passer par l’école d’application. « Le scénario idéal. » C’était il y a trente ans. 
Archiviste, auteur, éditeur, directeur de collection, secrétaire général… Depuis 1995, Alban collectionne les casquettes au sein de la célèbre maison d’édition. Véritable coup de cœur professionnel, Gallimard « concilie tout ce [qu’il] aime, comme la littérature et l’histoire ». « Ce qui structure une maison comme Gallimard, c’est son catalogue. On fait sans cesse appel à l’Histoire. »


« J’arrête de 
vous saouler avec Saint-Ex ! »

Gide, Camus, Proust… Alban découvre les grands auteurs et se passionne notamment pour l’un d’eux. « Il s’est passé un truc qui m’a fait travailler sur Antoine de Saint-Exupéry. Ça m’a mis le pied à l’étrier. » Ce « truc », c’est une mission qui remonte à 1999. « Saint-Ex était un peu geek sur les bords. En 1941, alors qu’il était à New York, il s’est enregistré avec un gramophone pour entretenir une correspondance avec Jean Renoir. Nous avons retrouvé et retranscrit ces enregistrements. C’était très émouvant d’entendre sa voix. » Depuis, le Poitevin est intarissable sur le sujet et les anecdotes vont bon train… si bien que l’on peut régulièrement l’entendre s’excuser à coup de « bon, j’arrête de vous saouler avec Saint-Ex ! ». 


Faire vivre la culture

Depuis ses débuts chez Gallimard, et avec humilité, Alban Cerisier s’évertue à faire revivre et redécouvrir les grands textes contemporains. « Ma plus grande fierté est d’avoir exposé de nombreuses pièces de Saint-Exupéry au Musée des Arts décoratifs, en 2022. Quand vous exposez l’aquarelle originale du Petit Prince, il y a un décalage entre la notoriété de l’œuvre et sa fragilité. Je suis honoré d’avoir eu le droit de la voir. Je n’oublierai jamais ce moment. » Une allure d’homme de lettres du XIXe siècle, une intimidante culture et un carnet d’adresses fourni (il connaît 
« très bien la famille Camus »), 
Alban Cerisier demeure un homme d’une simplicité qui brise rapidement la glace. Désormais installé à Chartres où il est marié à Stéphanie, qui le « suit dans ses aventures », ce papa de quatre grands enfants est un peu soucieux. « Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est que les garçons ne lisent plus. Ils doivent lire, s’éduquer. Ce n’est pas normal qu’une partie de la population lâche ça. Cela crée des problèmes de sens critique. »
 Le secrétaire général de Gallimard a néanmoins confiance en l’avenir du livre. « En France, nous avons une culture du livre, de la bibliothèque. J’ai confiance en l’école. Le rôle des profs est essentiel. Il faut aussi soutenir les festivals, c’est là que l’on crée les écrivains. Et il n’y a pas besoin d’être à Paris pour avoir accès à la culture. » Vous avez dit chauvin ? Fier de l’enseignement reçu à Poitiers, Alban n’oublie jamais sa ville natale. Y compris sur le tartan des pistes d’athlétisme. « Je cours pour ne pas toujours penser aux livres et mon club de Chartres entretient un lien assez privilégié avec le Creps de Poitiers. » Lors de son dernier passage dans « la ville aux cent clochers », l’éditeur est même tombé nez à nez avec l’une des toutes nouvelles collections de Gallimard, éditée par ses soins. Un petit bout de lui à Poitiers en somme.

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