Une chercheuse en linguistique de l’université de Poitiers étudie actuellement les représentations des minorités ethniques, sexuelles, religieuses et autres dans la BD. Laurie Dekhissi en a profité pour échanger avec des élèves de primaire.
Avec 68 millions d’albums vendus en 2024, la bande dessinée a indiscutablement atteint le statut de média populaire. Malgré un léger fléchissement du marché l’an dernier, l’engouement du grand public est bien là. La BD entre dans tous les foyers, aborde tous les sujets de société et devient naturellement un objet d’étude pour la recherche. A l’université de Poitiers, la linguiste Laurie Dekhissi a eu l’idée d’étudier les représentations des minorités dans la BD sous différents angles : ethnique, religieux, politique, sexuel... « L’objectif est de savoir comment une minorité est mise en valeur dans une BD. Et plus largement, comprendre quelle place chacune d’entre elles a au sein de la société, comment elle est perçue et se sent considérée. »
Dans son exploration bibliographique, les récits migratoires sont les plus nombreux. On se souvient de Là où vont nos pères de Shaun Tan et Persepolis de Marjane Satrapi pour ne citer que les plus connus. Quelle que soit la minorité concernée, les premières conclusions de cette étude démontrent que la BD est devenue « un espace de visibilité et de déconstruction des clichés, explique l’universitaire. Les premières BD véhiculaient souvent des stéréotypes racistes ou sexistes comme l’image des Indiens d’Amérique avec le tipi, les plumes et le calumet. Ces caricatures ont longtemps façonné l’imaginaire collectif. Aujourd’hui, de plus en plus d’auteurs et d’autrices issus des minorités racontent leurs propres histoires. »
Magical girl
Ce programme de recherche intitulé Prism-BD, lauréat de l’appel à projets UP Squared, a attiré une vingtaine d’autres universitaires poitevins, historiens, sociologues, psychologues qui ont identifié un angle d’attaque en rapport avec leurs propres travaux. Un colloque international sur ce thème se déroulera en novembre à Poitiers. Mais Laurie Dekhissi a voulu en plus partager sa réflexion avec le grand public, à commencer par les enfants. Elle s’est rapprochée de l’école Alphonse-Bouloux, à Beaulieu, engagée dans un vaste projet d’actions de lutte contre les discriminations. La dessinatrice Carel CDBC est intervenue dans chaque classe.
« Je leur ai montré des exemples de Magical girls comme Saylor Moon qui, elles aussi, combattent le mal comme certains personnages masculins, détaille l’artiste. On peut tous avoir plusieurs facettes, il faut sortir des codes normatifs. » « Moi, j’ai dessiné une fille qui se transforme la nuit et qui a le pouvoir de voler dans les airs », raconte Mamadou, 7 ans, en CP. Tous les dessins termineront dans un livret façonné avec l’aide de la fanzinothèque. A Alphonse-Bouloux, la question des stéréotypes est prise très au sérieux. Même la cour a été réaménagée pour que le foot prenne moins de place. Une déambulation sur ce thème est prévue le 16 juin après-midi. Elle devrait faire du bruit dans le quartier !