La nouvelle vie d’Abderrazak El Albani

L’existence d’Abderrazak El Albani a changé. Depuis la publication de sa découverte du plus vieil organisme pluricellulaire dans la revue «Nature», le directeur du laboratoire universitaire poitevin Hydrasa* multiplie les conférences et les interviews. S’il se félicite d’avoir obtenu la protection du site de fouilles gabonais, il rappelle que ses recherches nécessitent des moyens importants.

Romain Mudrak

Le7.info

Le 21 septembre dernier, vous étiez à New York pour la conférence sur les grands objectifs du millénaire. Quel intérêt aviez-vous à présenter vos travaux à l’ONU ?
« Le président de la République du Gabon m’a invité à l’ONU pour présenter le plus vieil organisme pluricellulaire, découvert sur son territoire. 270 chefs d’Etat, diplomates et ministres sont venus m’écouter. Même l’ancien maire de New York, Rudolph Giuliani, était dans la salle. Cette intervention m’a permis de faire connaître les travaux du laboratoire, tout en valorisant la recherche française. Pour l’anecdote, Leonardo Di Caprio s’est également  renseigné. C’est un mécène. Je ne dis pas qu’il m’a signé un chèque, mais il s’intéresse à tous les sujets liés à la biodiversité. »

Quel est votre quotidien depuis la publication de vos travaux dans «Nature» ?
« J’ai répondu à de nombreuses interviews : le National geographic, Discovery Channel, Encyclopedia Britanica, le New York Times, le Washington Post… Des collègues scientifiques internationaux m’ont invité à animer des conférences. Mon planning est rempli jusqu’en janvier 2011. A ce propos, je remercie l’université de Poitiers qui a accepté de me décharger de 50% de mes enseignements. Le président gabonais m’a invité plusieurs fois cet été.  Avec mon équipe, nous avons également enrichi la collection de fossiles qui atteint désormais quelque quatre cents spécimens. »

Quelles sont vos relations avec l’Etat gabonais ?
« Je respecte vraiment le président Ali Bongo O n d i m b a . Ensemble, nous avons passé un contrat moral reposant sur la confiance. Je suis honoré car il m’a emmené avec lui dans son avion privé au lendemain du 14 juillet. Comme d’autres chefs d’Etat africains, il était l’invité de la France pour la Fête nationale. Mon équipe bénéficie d’un libre accès au site de Franceville. Le président a bien compris l’intérêt majeur de cette découverte scientifique. Il souhaite la valoriser mais il faut aller vite. »

La carrière de Franceville est désormais le berceau de la vie pluricellulaire. Est-il protégé ?
« Le président gabonais a classé ce site parmi les parcs naturels, je l’en remercie vivement. C’est important car,  aujourd’hui, plus personne ne peut ramasser un caillou sans demander une autorisation. Le lieu de la découverte est en passe de figurer au patrimoine mondial de l' Unesco. Toutefois, l’exploitant de la carrière n’a pas été lésé. On lui a offert une autre zone à 50km de là. »

Disposez-vous des ressources financières nécessaires à la poursuite de vos recherches?
« Nous devons à present comprendre le mode de vie de ces organismes. Mes recherches sont multi-disciplinaires. Elles nécessitent donc des moyens conséquents. Or seul l’université de Poitiers et l’ambassade de France à Libreville m’aident  actuellement.Toutefois, quand je vois l’engouement des Américains, je me rends compte que nous sommes  enviés par nos confrères. »

(*) Hydrasa : Hydrologie, argiles, sols et altérations (UMR CNRS/UP)

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